Rabat, inscrite au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO
Rabat, la capitale du Royaume du Maroc, est désormais classée au Patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO depuis le 29 juin 2012. Cette reconnaissance internationale célèbre le « passé arabo-musulman et le modernisme occidental ». Tout l’enjeu est désormais d’exploiter localement ce formidable atout et de se donner les moyens pour sauvegarder et mettre en valeur ce prestigieux patrimoine.
Outre Rabat, d’autres villes et sites (au nombre de 37) ont présenté leur candidature, mais seulement 5 nouveaux sites africains ont été inscrits en 2012 au Patrimoine mondial de l’UNESCO. En plus de Rabat, les autres sites dont : Grand-Bassam en Côte d’Ivoire, le pays Bassari au Sénégal, les lacs d’Ounianga au Tchad, ainsi que le parc trinational de la Sangha.
Pour être classés par l’UNESCO, les sites présentés par les gouvernements de chaque pays doivent obéir à différents critères déterminant la valeur exceptionnelle et universelle d’un lieu. Rabat satisfait à deux de ces critères : elle témoigne d’un échange d’influence sur le développement de l’architecture, des arts monumentaux, de la planification des villes ; elle offre également un exemple éminent d’un type de construction illustrant des périodes significatives de l’histoire humaine.
Ces critères un peu abstraits font référence à la « ville nouvelle », bâtie pendant la période coloniale française de 1912 aux années 30, « incluant la résidence royale, des administrations coloniales, des ensembles résidentiels et commerciaux, le jardin d’Essais botaniques et d’agrément», indique l’UNESCO. Dans le même espace, plusieurs sites témoignent de l’histoire bien antérieure de la ville. La tour Hassan a été construite en 1184. Les remparts qui n’encerclent plus qu’une petite partie de la ville, ainsi que leurs portes, ont été construits sous la dynastie des Almohades. « On y trouve aussi des vestiges de la principauté morisque, ou andalouse, du XVIIe siècle », souligne l’UNESCO.
Plusieurs données sont prises en considération par le comité de l’UNESCO pour l’inscription des sites sur la liste du Patrimoine mondial. Il s’agit en particulier de la dimension humaine et civilisationnelle du site, son degré d’influence sur son environnement culturel, économique et touristique, son impact dans l’amélioration des conditions de vie de la population et son rôle dans la sauvegarde de l’héritage de la région.
Pour déclarer « Rabat, capitale moderne et ville historique : patrimoine en partage », le Comité mondial a jugé (à l’unanimité de ses 21 membres) que Rabat se particularise par son caractère d’héritage pluridimensionnel, ayant réussi depuis des siècles une parfaite symbiose entre plusieurs grandes cultures de l’histoire humaine : islamique, hispano-maghrébine et européenne.
Par ailleurs, Rabat se distingue par l’harmonie réussie entre les aspects traditionnel et moderne de son architecture, qui a amené le Conseil International des Monuments et des Sites (ICOMOS) à conclure que Rabat satisfait aux conditions « d’intégrité » et « d’authenticité » justifiant amplement l’attribution de « valeur universelle exceptionnelle ».
Intégrité : Les différentes dimensions de l’intégrité du bien sont satisfaisantes ; l’équilibre entre le plan d’urbanisme de la ville moderne et la conservation de ses nombreuses strates urbaines antérieures, l’intégrité de l’habitat de ses différents quartiers, l’intégrité des ensembles archéologiques, les fortifications de l’enceinte almohade convenablement conservées, etc. Toutefois, il est nécessaire de veiller à l’impact des grands travaux envisagés extérieurement au bien, notamment à la vue sur le bien et sur le Bouregreg depuis le site proéminent de la qasba.
Authenticité : de nombreux éléments individuels figurent dans les descriptions des inventaires et ils permettent d’affirmer un niveau d’authenticité important des éléments constitutifs du bien, notamment de l’authenticité urbaine perçue. Plus largement, les conditions d’authenticité en termes urbains et monumentaux sont satisfaisantes. Toutefois, des données quantifiées sur l’authenticité individuelle des immeubles d’habitation compléteraient utilement la démarche d’inventaire déjà mise en place.
La capitale devient ainsi le 9ème bien marocain inscrit sur la liste du patrimoine mondiale de l’UNESCO. Le dernier en date était celui de la ville portugaise d’El Jadida. Cette année, la ville de Rabat a été le seul dossier présenté au Comité de l’UNESCO par le ministère de la Culture.
La candidature de Rabat, qui a bénéficié de la Haute sollicitude de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, a obtenu cette reconnaissance grâce à un excellent dossier scientifique et technique, préparé dans le cadre d’une approche participative impliquant l’ensemble des intervenants, souligne un communiqué de la délégation marocaine ayant pris part à la réunion du Comité de l’UNESCO.
Conduite par le ministre de la Culture, Mohamed Amine Sbihi, cette délégation comprend le président du Conseil de la Ville de Rabat, Fathallah Oualalou, l’ambassadeur du Maroc auprès de l’Unesco, Mme Zhor Alaoui, l’ambassadeur du Maroc en Russie, Abdelkader Lachhab, en plus de Moulay Slimane Alaoui, gouverneur attaché à la région de Rabat-Salé-Zemmour-Zaër.
La réappropriation par Rabat de son passé et l’influence qu’elle a exercé sur les architectes et les urbanistes du XXe siècle ont produit une synthèse urbaine, architecturale et décorative originale et raffinée. La jonction entre architecture patrimoniale et architecture moderne, qui singularise Rabat, a été unanimement appréciée par les membres du Comité du patrimoine mondial, soulignant que Rabat comptera parmi les rares capitales à être inscrites sur la liste du patrimoine mondial.
Rabat a présenté sa candidature pour la première fois, ce qui est considéré par les observateurs comme un résultat extrêmement positif.
Désormais acquis, le classement n’est pas vraiment une fin en soi, car il n’offre aucun budget, ni expertise pour la protection et la valorisation des sites classés. Toutefois, la reconnaissance internationale renforce l’intérêt global pour le site et le tourisme. Rabat Patrimoine mondial de l’humanité est en effet un nouveau label pour mettre en valeur les joyaux de la capitale. Le patrimoine peut alors drainer plus de revenus pour permettre sa valorisation voire créer une économie centrée sur le site.
Le classement ne se fait également qu’à la condition que le gouvernement du pays s’engage à protéger le site.
Éléments requis par l’Unesco en matière de protection et de gestion : Les mesures de protection des ensembles urbains, des monuments et des sites archéologiques sont en place. Par son ancienneté, la législation appliquée à la ville de Rabat a contribué de manière fondamentale à l’histoire de sa conservation en tant qu’ensemble urbain simultanément ancien et moderne. Les nouvelles dispositions annoncées pour une protection urbaine plus large et une protection du paysage urbain formé par le bien sont en cours de promulgation.
La structure de gestion est coordonnée par la nouvelle autorité transversale de la Fondation pour la sauvegarde du patrimoine culturel de Rabat. Elle s’appuie techniquement et scientifiquement sur la Direction nationale du patrimoine, ainsi que sur différentes structures et sur les services de la municipalité et de la préfecture de Rabat. L’ensemble des dispositions réglementaires et organisationnelles, ainsi que le programme d’action prévisionnel à cinq ans, sont regroupés dans le Plan de gestion.
Conclusion : Aujourd’hui le Maroc possède 9 sites inscrits et Rabat va forcément bénéficier d’un afflux touristique important, d’autant plus que le Maroc est le pays du monde arabe le plus riche en sites inscrits. Pour cela des engagements nationaux ont été pris pour la sauvegarde et la conservation de ces sites. Mais des questions demeurent :
Comment préserver la diversité du patrimoine alors que nous assistons, de plus en plus, à la perte des conditions matérielles de production de cet héritage ?
Comment convaincre les détenteurs de ce patrimoine d’en assurer la transmission alors que leur progéniture regarde ailleurs ?
Ne peut-on se poser des questions sur la capacité des autorités marocaines à respecter les conventions liées à la protection du patrimoine ?
L’inscription de Rabat est le couronnement de plusieurs décennies d’efforts déployés par ses autorités, qui ont adopté une approche «gratifiante» en mettant l’accent sur le thème de la diversité et du mariage réussi entre modernité et authenticité. A titre d’exemple antérieur au classement de 2012, le choix porté sur Rabat par l’association américaine «Earth Day Network» pour célébrer le 40ème anniversaire de la Journée de la Terre en 2010.
La prise de conscience collective des enjeux est évidente. Reste à espérer que tout sera mis en œuvre pour prendre les mesures nécessaires pour préserver les richesses de la capitale.
Nadia Jebrou