Le pari de Meknès
Kubik Studio / Ismail Akajni
Après des études d’architecture et d’urbanisme en France, Ismail Akajni a fait le choix mûrement pesé de créer une structure pluridisciplinaire à Meknès, sa ville natale. Une ville de l’intérieur du pays, riche de son histoire et aujourd’hui de ses activités, essentiellement agricoles. La tentation casablancaise, cosmopolite et hybride, a été ainsi délibérément écartée pour une quête aux racines de l’identité marocaine.
Il faut définir Kubik Studio comme l’expression d’un manifeste. Est-il possible, loin du pouvoir d’attraction d’un environnement globalisé, de redonner à l’architecture marocaine ses lettres de noblesse ? Est-il possible pour elle d’entrer dans la modernité, forte d’une reconnaissance identitaire et à distance des modèles parachutés ?
L’exercice qu’a constitué la construction d’une maison individuelle vaut démonstration.
Il s’agissait de créer une maison sur une parcelle modeste de 340 m2, destinée à loger trois frères et leurs familles, ladite maison faisant partie d’un lotissement de villas jumelées.
La demande pose de façon intéressante la question du retour au schéma ancestral de la famille marocaine. La superposition des trois appartements renvoie tout à la fois au concept moderne du « collectif » et au principe traditionnel de densification propre à la médina. Dans les deux cas, est soulevée la question de l’économie de la parcelle et de l’architecture.
Dans le même temps, l’architecte pousse sa réflexion sur l’essence de la maison individuelle et cherche à en retrouver certains des avantages. La réponse est architecturale : un escalier radical, étroit comme dans les kasbah, monumental par rapport à l’échelle du quartier, dont l’événement coupe le linéaire de la maison jumelée. Il apporte confort thermique et acoustique tout en créant un espace urbain dans l’architecture, à dimension humaine, intime, où les membres des trois foyers peuvent se rencontrer. Le deuxième élément propre à la maison individuelle est le jardin : à la fois en rez-de-chaussée et suspendu sur le toit commun.
Ainsi, le dynamisme du projet repose-t-il sur le jeu des tensions entre les contrastes. Monumentalité/petite maison ; densité/ jardins ; urbanité /nature dont fait partie le rapport au ciel en haut sur le toit.
Du point de vue du concept architectural, l’architecte admet la difficulté de faire accepter la radicalité du projet. Dans le contexte habituel de l’architecture marocaine qui privilégie l’accumulation et la juxtaposition au risque de brouiller la perception d’ensemble, il fallut imposer le minimalisme d’une façade blanche, perforée et suspendue, la simplicité sans concession d’une forme cubique. C’est, aux yeux de l’architecte, le seul moyen de mettre en exergue les concepts spatiaux sans risque de les voir détournés : on ne peut passer outre l’essence du concept. Reste que le blanc, la forme cubique et austère, l’importance donnée aux espaces communs, le jardin suspendu et son rapport au ciel constituent l’essence même de la maison de la médina, à la fois intégrée dans son environnement et susceptible de s’isoler du quartier. C’est ainsi que la modernité démontre ici qu’elle peut refuser à la fois une servile reproduction du passé comme le mimétisme d’une architecture dite internationale.
Florence MICHEL-GUILLUY
Intitulé du projet : Maison « DROJ
Maître d’ouvrage : Particulier
Architecte ou groupement : Agence KUBIK STUDIO / Ismail Akajni
Situation du projet : 31, Ras Aghil, Belle-Vue, MEKNES
Superficie du terrain : 340,00 m²
Superficie des planchers : 500,00 m²
Coût global de la réalisation : 1.715.000 DH
Date de démarrage des travaux : Octobre 2009
Date de fin des travaux : Octobre 2011
Programme : Habitat Individuel
Entreprises : Entreprise SINDIBAD de travaux
Bureau d’études : Néant
Bureau de contrôle : Néant