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AM N°58 L’oriental

Selma Zerhouni  Directrice de publication

Selma Zerhouni
Directrice de publication

La rive orientale du Maroc est mystérieuse par sa diversité. De culture espagnole à Nador, arabe et française à Oujda, berbère à Figuig, elle recèle grâce à ces différences des richesses discrètes qu’on découvre peu à peu. La fermeture des frontières avec l’Algérie constitue un handicap majeur pour la région. Mais grâce à une volonté politique marquée qui fixe le développement régional comme priorité, l’est du royaume s’oriente résolument vers la modernité. L’agence de l’Oriental veille à sa promotion et aux investissements en matière d’infrastructures et d’équipements majeurs. Cet établissement public est doté d’une personnalité morale et d’une autonomie financière qui lui permettent d’accueillir et d’orienter les investisseurs marocains et étrangers. L’aménagement territorial est ambitieux. A voir les projets qui émergent du sol, l’urbanité annoncée sera aux normes mondiales faisant fi des retards existants. Rien ne manque au tableau : un port, une zone franche, l’aménagement de la corniche à Marchica, la technopole à Selouane, l’agropole à Berkane, un grand centre hospitalier et universitaire, Oujda Shore, Urba pôle…La région du soleil levant se prépare à devenir le centre du futur Maghreb réconcilié. Oubliée sa population d’immigrés, oubliés sa réputation de villes dortoirs, son enclavement, sa mentalité rétrograde et conservatrice !

L’Oriental conquiert sa place dans le monde à travers l’exécution de projets colossaux, modernes, répondant aux besoins futurs de sa jeunesse qui n’aura plus envie de s’exiler.

Dans ce numéro on observe que l’évolution culturelle s’exprime par l’architecture. Epurée, elle se manifeste clairement dans la rubrique consacrée aux projets contemporains. Nous n’avons pas présenté les monuments discrets du XXème siècle qu’Oujda abrite, bien qu’ils soient nombreux. C’est bien dans cette ville que se trouve la première maison habitée par le maréchal Lyautey, la première gare du Maroc, l’école Moderne (1907) ou encore le lycée Omar Ibn Aziz (1915)… C’est aussi la ville d’accueil de nombreux hauts fonctionnaires Algériens et Marocains, qui a profité de la découverte du fer, manganèse, plomb, zinc et charbon et a connu une expansion économique confortable au début du siècle. Cela a laissé des traces dont témoignent des friches urbaines et industrielles.

Or, la capitale de l’est marocain ne profite pas encore du tourisme urbain alors qu’elle entre dans l’ère du marketing territorial. Les nouvelles activités de productions et l’émergence de nouvelles filières ne dispensent pas de la réhabilitation des nombreux sites d’intérêt patrimonial. Les anciennes mines à charbon désaffectées de Jerrada pourraient devenir le plus grand musée national. La centrale thermique de l’ONE d’Oujda devrait être sauvegardée pour sa beauté et pour le principe qui consiste à  reconstruire la ville sur elle-même.

Car ces grandes mutations urbaines provoquent un malaise social qui pourrait être évité grâce à la réhabilitation d’espaces gardiens de la mémoire collective, la reconnaissance de richesses traditionnelles comme les tapis des Beni Ouarain qui ont inspiré Matisse et Paul Klee. La conservation des traces du passé est essentielle au lien social et évite l’exclusion. A voir Figuig, on peut dire que ces vénérables ksours ont participé à la résilience d’une population touchée par un conflit frontalier interminable.

Alors oui pour cette tendance moderne qui bénéficie des progrès récents. Mais attention à la perte des savoir-faire et du patrimoine construit. La revitalisation des friches urbaines et industrielles constitue ici un acte salvateur, au sens où il est en avance sur les règles contemporaines. C’est de l’avant garde !