FENÊTRE SUR COUR, LUXE, CALME ET VOLUPTÉ MAIS PAS SEULEMENT…
ARCHITECTE
RF STUDIO
À la question de savoir comment définir le luxe, Ghislaine et Saad Belhaj, propriétaires des magasins « Fenêtre sur cour » et distributeurs exclusifs de marques de prestige des arts de la table, ont franchi une nouvelle étape avec la rénovation de leur vaisseau amiral de Casablanca, boulevard Massira Khadra, qui sera bientôt suivi par celui de Rabat…
La distribution n’est-elle pas affaire de pédagogie et quel meilleur vecteur que l’espace ou plutôt la mise en espace ? À leur création, les magasins « Fenêtre sur cour » ont offert à leurs clients un écrin intermédiaire, entre tradition et modernité. Vingt ans plus tard, la clientèle aisée voyage à l’international et surfe sur Internet. Elle est prête pour de nouvelles expériences comme l’attestent les affiches publicitaires des promoteurs immobiliers. La modernité peut s’exprimer sans entrave, ni appréhension.
Quiconque pousse la porte retrouvera à l’entrée des vitrines exposant les grandes marques familières, conçues comme des « corners » revisités : Baccarat, Christofle, Bernardaud, St Louis etc. Au-delà de ces repères rassurants, un parcours de découvertese déroule, fluide et rythmé à la fois, et appelle toujours plus loin le visiteur…
La conception est signée par un jeune designer belge choisi à la suite d’une consultation internationale, Ramy Fischler, pour qui le luxe et le design obéissent à des règles presque éthiques. Ni ostentatoire, ni rigoriste, le concepteur enveloppe son écrin dans un ruban subtil, à la fois tenu et structurant, tout en camaïeu beige-gris et matériaux raffinés alliant la douceur du bois et le minéral du béton ciré. Mais le déroulé ne suit pas un continuum tranquille, au risque de se heurter à l’écueil de la monotonie ou de la lassitude.
Les propriétaires de Fenêtre sur Cour ont en effet considérablement élargi l’éventail de leurs représentations exclusives. Des marques viennent s’ajouter et il fallait éviter la profusion, voire la saturation. Ici le luxe c’est à la fois le rêve, la magie et une dimension ludique, faite de surprises autant exposées que cachées, ponctuée de détails que l’on découvre un peu à la façon d’une chasse au trésor. Ainsi les tables d’exposition découvrent-elles des tiroirs renfermant des pièces « uniques ». Les grilles au dessin inspiré par l’art déco casablancais, glissent sous le doigt pour offrir un autre éclairage, un autre point de vue. Au fil du parcours, on découvre des coins cachés comme le bar à vases plein d’humour, ailleurs l’espace masculin, le salon VIP ou encore l’espace dédié à la liste de mariage. Ce dernier expose assiettes, verres ou couverts sur les panneaux coulissants chers aux bibliothèques ou aux réserves muséales… Telle la caverne d’Ali Baba des contes des mille et une nuits, l’espace se déploie sur deux niveaux gagnant au fur et à mesure en dimensions et en profondeur, l’étage en mezzanine étant accessible par un escalier spectaculaire traité en décor de théâtre, absorbant les piliers de la construction, créant la symétrie là où elle était absente et ménageant des transparences invitant à pousser plus loin encore la visite…
La fin du parcours est signifiée par un bar à thé spectaculaire, convivial certes et surprenant avec sa touche surréaliste d’objets assemblés cette fois à profusion.
Les rencontres incongrues sont aussi une des clefs de cet espace unique. Des marques tout à fait accessibles, mais sélectionnées pour leur dimension baroque, presque kitsch (IVV et PIP studio), leur humour (Moustache) ou leur singularité, cohabitent avec les grands classiques (Cassina, Fritz Hansen, Moroso) et produisent des séquences, des « period rooms » muséales pleines de fantaisie. La confrontation Fornasseti et Moustache est décapante. L’imagination s’ouvre, le but ultime étant que chacun soit en capacité de créer son environnement personnel loin des coupés-collés des magazines !!!