Fatiha Zemmouri ou l’art d’exalter la matière
L’artiste Fatiha Zemmouri a exposé ses œuvres récentes à la BCK Art Gallery, à Marrakech, du 12 janvier au 19 février 2013. Fatiha Zemmouri fait partie de la jeune génération de créateurs marocains qui osent déstabiliser le public en proposant des œuvres brutes, décalées et aux antipodes d’une conception classique de l’art comme vecteur de beauté et d’émerveillement esthétique. Elle nous entraîne ainsi dans son univers bigarré où l’alchimie des matériaux confine à l’essentiel.
Après sa dernière exposition rétrospective à la ville blanche, l’artiste plasticienne Fatiha Zemmouri nous revient dans «Blanche est la nuit» avec des œuvres qui explorent à nouveau son chromatisme binaire, en creusant un peu plus loin le même sillon de sa quête ténébreuse. Les créations de Fatiha Zemmouri s’expriment en brisures, effilochures, compositions multiformes ou strates qui s’effeuillent pour mieux exalter la texture des matériaux et leur puissance. Compositions en charbon de bois, en pierres, en carton ou en porcelaine, constituent l’essentiel de son œuvre. Son univers tout en noir, ou en blanc et parfois alliant ces deux couleurs est une ode à la pureté visuelle. Ses oeuvres allient les techniques de la sculpture à celles de la peinture, voire du bas-relief et revisitent les matériaux pour en extraire des formes qui interrogent la mémoire plurielle et la conscience du geste. Fatiha Zemmouri explore la matière brute à « fleur de peau », dans sa texture et son expressivité. Entre ses mains, elle est détournée de son usage réel ou supposé et transformée en construction hétéroclite, qui questionne nos attentes et nos limites et participe à reconstruire notre identité en constante mutation. En introduisant la porcelaine comme nouvelle matière dans ses créations récentes, Fatiha Zemmouri poursuit sa quête du support absolu et s’ouvre sur un ailleurs désiré, étanchant sa soif d’une féminité en mouvement.
Aux frontières de l’insondable, l’œuvre de Fatiha Zemmouri lève le voile sur un univers clos, laissant pénétrer la lumière en halo. Manifestation du palpable ou ode à une féminité nouvelle ? Nul ne sait.
Nadia Chabâa