Fermer X

Nos écoles bioclimatiques au Sud du Maroc

Yann Arthus-Bertrand  Photographe de grand reportage et fondateur de l'organisation GoodPlanet.

Yann Arthus-Bertrand
Photographe de grand reportage et fondateur de l’organisation GoodPlanet.

Né en 1946, Yann Arthus-Bertrand s’est toujours passionné pour le monde animal et les espaces naturels. A l’âge de 20 ans, il s’installe dans le centre de la France et dirige une réserve naturelle. Il part ensuite au Kenya et utilise l’appareil photo et l’écriture. Il pilote un montgolfière et découvre le monde vu du ciel et la réalité d’un territoire et de ses ressources. Depuis, ses images font office de plaidoyer pour sauver la planète.

Les briques en terre crues idéales pour construire dans la campagne marocaine

Les briques en terre crues idéales pour construire dans la campagne marocaine

Lorsque je photographie la terre, je veux montrer l’incroyable diversité des paysages mais aussi l’empreinte de l’Homme sur la nature. Cette empreinte est visible partout dans le monde et surtout dans les constructions urbaines. Au Maroc, dans certaines régions du Sud, j’ai découvert une empreinte n’ayant aucun impact négatif sur l’environnement, contrairement aux bâtiments modernes. Il s’agit des constructions traditionnelles en pisé. Elles sont d’une rare beauté mais disposent surtout de qualités intrinsèques uniques. En effet, ces constructions tirent le meilleur parti d’un matériau aux atouts multiples et dont la population dispose localement en abondance : la terre. Elles sont construites pour et par les communautés locales,  requièrent peu d’énergie dans l’étape de fabrication et ne génèrent aucun déchets. Une fois construites, ces maisons ne nécessitent pas de chauffage ni de climatisation : elles refoulent la chaleur l’été et modèrent la température l’hiver.

Le pisé est une tradition séculaire

Le pisé est une tradition séculaire

Les murs d'adobe sont du plus bel effet et procurent des espaces bioclimatiques

Les murs d’adobe sont du plus bel effet et procurent des espaces bioclimatiques

Capture d’écran 2014-05-23 à 12.17.17

Capture d’écran 2014-05-23 à 12.17.28

Aujourd’hui, avec mon équipe, j’ai voulu montrer que des écoles peuvent aussi être bâties en terre crue. Nous avons inauguré en juin 2012 une école bioclimatique, à Skoura, à une quarantaine de kilomètres à l’est de Ouarzazate, une région où les écarts thermiques sont particulièrement élevés entre l’hiver et l’été. Cette école de 200 élèves a été construite en pisé et en adobe en y intégrant la technologie moderne d’une manière simple. Trois salles de classe en terre crue aux murs très épais sont disposées de façon triangulaire et séparées par des espaces extérieurs couverts et arborisés.  Un jardin d’enfants attenant a été érigé en adobe en forme de double ellipse pour l’aspect ludique. Les toits ont été construits de manière traditionnelle avec du roseau et du bois, couverts d’une épaisse couche de terre. Le confort climatique y est garanti grâce à une ventilation naturelle permettant à l’air de circuler librement à l’intérieur des classes et grâce à l’utilisation de la terre des murs faisant barrière à la chaleur en l’absorbant l’été pour mieux la restituer l’hiver. Tous les prestataires (mâalems, maçons, menuisiers, ferronniers, …) sont originaires de la région. L’architecte vit sur place. La communauté du quartier s’est organisée pour créer une association responsable de l’entretien de l’école.

Une salle de classe exemplaire et bioclimatique

Une salle de classe exemplaire et bioclimatique

Des enfants heureux

Des enfants heureux

Capture d’écran 2014-05-23 à 12.18.50

Aujourd’hui, nous nous lançons dans la construction d’une deuxième école bioclimatique dans un autre douar de Skoura. L’installation de potagers hors sol en agriculture biologique permettra d’éduquer les enfants aux enjeux de l’agriculture durable. Les constructions s’accompagnent d’équipements en matériel parascolaire, ludique et d’infrastructure. Ce projet est financé par de généreux philanthropes privés et par la Fondation Akuo, basée à Paris.

Je voudrais remercier chaleureusement le Ministère de l’Education Nationale du Royaume du Maroc pour son soutien inconditionnel dès le démarrage de ces projets. Je voudrais aussi encourager tous les acteurs concernés à préserver et à valoriser cet habitat traditionnel unique et somptueux. Les bâtiments en béton nécessitent beaucoup d’énergie : sa fabrication à elle seule représente 7 à 8% des émissions totales de CO2 soit près de 3Gt par an, auxquelles il faut ajouter le transport des matériaux, la gestion des déchets, ainsi que la climatisation en été et le chauffage l’hiver. A l’heure où la facture énergétique ne va cesser d’augmenter, il est urgent d’ « éco-construire ».

Yann Arthus-Bertrand