Cas’art, année 2013
Architecture du Maroc a largement publié les projets du concours Cas’Art au moment de la proclamation des résultats (été 2009). Une interview de Christian de Portzamparc, lauréat en association avec Rachid Andaloussi, avait dans ce même numéro commenté avec la précision qu’on lui connaît la genèse du projet. Quatre ans après, alors que le chantier a commencé, une visite à l’agence de l’architecte français est l’occasion de faire le point sur l’avancement d’un équipement enfin digne de la capitale économique.

Les lignes se sont assouplies et la double peau se présente à l’extérieur sous la forme d’une résille.
O
n rappellera ici les grandes lignes de force qui nourrissent le concept. L’ordonnancement classique très présent de la place Mohammed V implique dans l’esprit des architectes une réponse résolument contemporaine. D’autre part, fermement convaincus qu’un théâtre est un outil de travail, il leur paraît essentiel de respecter un enchaînement horizontal fluide entre les différents espaces et composantes de l’équipement. Christian de Portzamparc avait d’ailleurs avoué qu’il avait commencé l’exposé de son oral par des questions d’accès et de camions ! Aux bâtiments ordonnancés et unitaires existants, les architectes proposent un « contre-chant » sous la forme d’une « médina », composée d’une série de pavillons juxtaposés qui, pour ne pas « boucher » la place, se présentent « comme des personnages sur une scène détachés du cadre. Une médina culturelle qui apporte ainsi à la place administrative un « enrichissement d’une autre nature » tandis que son morcellement induit un espace non directif conçu comme un lieu de liberté que l’on traverse, où l’on se promène, où se reconstitue, avec l’ombre et la fraîcheur, le confort intime de la médina traditionnelle. Le projet n’est donc pas un « objet héroïque, unique, spectaculaire ». Il obéit, au contraire, à une nécessité éthique, c’est-à-dire « savoir lire et comprendre un contexte pour le transformer ». Le pavillon central est conçu comme une grande porte – inspirée par celles des riads – à la fois sas d’entrée, point d’attraction, lieu de rendez-vous, préfiguration de la scène, lui-même espace scénographique transformant la place en une immense salle à ciel ouvert.

De l’esquisse à main levée au projet : détail du pavillon central conçu comme une grande porte à la fois sas d’entrée et espace scénographique.
Depuis, les façades ont été retravaillées : leur géométrie s’est arrondie et la double peau qui les constitue se présentera, à l’extérieur, comme une résille, matière vibrante de jour comme de nuit grâce à un éclairage intégré. Elle sera composée de ½ bols dans un matériau qu’il reste à définir : le matériau céramique est séduisant car il permettrait de mobiliser l’artisanat marocain. L’aluminium thermolaqué a l’avantage de pouvoir être produit industriellement sans procédure de certification.
La hauteur de l’ensemble s’est également ajustée et forme aujourd’hui une diagonale amorcée à partir de la résidence Lyautey et s’inclinant en pente douce vers les bâtiments administratifs de l’autre côté de la place afin de créer un juste rapport entre les différentes entités.
Circulations et espaces intérieurs, spectaculaires dans le projet initial, n’ont pas bougé. En revanche, le dessin des salles se précise. Les grands balcons se sont transformés en une série de loges aux formes organiques, qui s’avancent au plus près de la scène. Il faut en effet composer avec un programme qui demande deux théâtres fixes et dotés de deux salles frontales classiques, susceptibles toutefois d’accueillir des programmes polyvalents. Il faut, dans ce cas de figure, distinguer l’acoustique naturelle sans amplification (musique symphonique) et l’acoustique amplifiée (chants, opéra) tout en traitant de front la logique acoustique et celle de la scénographie. La géométrie des formes, associée à différents systèmes, est déterminante pour assurer la variabilité acoustique requise et la meilleure visibilité possible.

Le programme prévoit deux théâtres fixes et dotés de salles frontales classiques dont le dessin s’est précisé. Les grands balcons sont constitués d’une série de loges aux formes organiques.

Vues des espaces intérieurs qui ont l’ambition d’offrir au public des expériences spatiales inédites : lignes mouvantes, passerelles enjambant des vides impressionnants, jeux d’ombres et de lumières.
Précisons pour clore cette première phase d’un chantier hors normes, que tous les arbres sains de la magnifique parcelle arborée sur laquelle s’élèvera le futur théâtre, ont été transplantés.
Florence Michel-Guilluy
Intitulé du projet : Cas’Arts
Maître d’ouvrage : la Ville de Casablanca et la Fondation des Arts Vivants
Maître d’ouvrage délégué : Casa Aménagement SA
Architecte : Christian de Potzamparc et Rachid Andaloussi
Situation du projet : Place Mohammed V, à Casablanca
Superficie du terrain : 24 700 m2
Surface projet au Permis de construire : environ 18 700 m2
Date de fin des travaux : Juin 2016
Programme : Salle polyvalente de 1 800 places, salle de théâtre modulable de 600 places, salles de musique amplifiées, salle de répétition ouverte au public, des salles évènementielles et lieu « d’intensité culturellle » : commerce, restaurant, café, cyberspace, lieu de lecture, librairie, salle d’exposition et galerie d’art.
Scénographie :Théâtre Projects
Paysagiste : Méristème
Acoustique : Xu Acoustique (salles), A&A (isolation)
Autres intervenants : Interlux, Maroc Bureaux,
Eclairagiste : Lightitbe