AM N°6 Tourisme balnéaire
Tourisme balnéaire : architecture de complaisance ?
« Quittez cette ville tout de suite, partez au Maroc ! » une affiche géante, en mars 2002 en France, dont l’injonction semble promettre calme, luxe et volupté, cette image de carte postale. de film Hollywoodien. confortée par le marketing. Une promesse d’exotisme, d’authenticité, voire d’orientalisme qui ne sera point au rendez-
vous. Désormais, correspondre à l’imaginaire des touristes, nécessite un véritable travail sur la réalité marocaine. En plus du rayonnant sourire, il faudrait s’inspirer des rituels d’hospitalité de jadis, perpétués par les peintures, les écrits, les chants…
Autant s’évertuer à réinventer un monde lossilisé dans les esprits, dont la seule ambition est de plaire au touriste !
Tandis que la spécificité marocaine est là, enrichie de compétences de toutes sortes parfois de prouesses parfaitement modernes. les opérateurs du tourisme continuent à imposer une architecture « plaisante » faite de tics, de pastiche et de décors racoleurs. C’est non sans un certain dépit que les architectes acceptent ces concessions troquant la créativité contre des règles qui frôlent, la caricature.
La destination Maroc réfute les ressources humaines locales. Elle utilise les mécanismes occidentaux qui tendent a valoriser les mythes d’un Orient dépassé, plutôtque la simple émanation du lieu. Une réalité qui ne demande qu’à émerger à son tour au même titre que celle de l’0ccident au siècle dernier. En effet, au lieu de prendre
exemple sur I’Espagne, les angles arrondis, les cheminées oblongues, et réaliser une architecture molle « Méditerranéenne », il y a peut-être lieu de proposer une facture moderne. Au lieu d’aller chercher des référents culturels et des sources d’inspiration, parfois jusque dans les pagodes asiatiques, il y a peut-être lieu d’envisager des solutions architecturales plus audacieuses.
Car pourquoi continuer à vendre des images éculées, alors que l’espace d’accueil pour touristes est un exercice créatif des plus passionnant ?
Les promoteurs pourraient développer un véritable travail de valorisation des talents contemporains marocains à travers des projets hôteliers. Cette démarche aurait comme effet d’écarter les architectes nationaux dociles et complaisants qui se contentent de co-signer des projets qu’ils n’ont pas conçus et de faire émerger des
talents à faire prévaloir au Maroc et dans le monde. La construction de la communication sur le tourisme pourrait utiliser les bâtiments non conventionnels pour valoriser l’aspect inventif. Et c’est ainsi qu’on verra des noms marocains prendre place auprès de nom tel que Franck Gehry, dans les colonnes des revues d’architecture.
N’oublions pas que Fexcentricité du musée Gugunheim à Bilbao est le symbole du triomphe culturel et touristique de la ville.
Aujourd’hui, les perspectives du Plan Azur et l’ouverture des six nouvelles stations balnéaires à travers le Royaume sont une chance exceptionnelle pour les architectes nationaux. lls se sentent concernés par le paysage balnéaire de demain. Si la fidélisation de la clientèle est l’un des objectifs de ce plan, il pourrait aussi devenir le défi à relever par les architectes.
Dans tous les cas. la tendance à confier les projets touristiques à des agences étrangères qui livrent a clefs en main n est pernicieuse. Car elle se contente d’une vision à court terme et d’un seul concept le « custumers contented ».
C’est donc le moment de s’interroger sur l’architecture hôtelière au Maroc, non pas en définissant des règles esthétiques ou décoratives, mais en libérant la créativité et l’innovation afin de trouver de nouvelles marques. Les référents existent et d’autres sont à inventer. des technologies existent et d’autres sont à créer, quant à nos traditions, elles ne demandent qu’à être enrichies.
Selma Zerhouni
Sommaire
ÉDITORIAL
Tourisme balnéaire : architecture de complaisance ?
ACTUALITÉS
Concours de l’ANHI par Slama El Kadiri
Quel habitat pour demain ? par Nadia Jebrou Guedira
Lumières à Lyon par Marwan Seddik
DÉBAT
Université de printemps de l’architecture à Chaouen par Selma Zerhouni et Slama El Kadiri
La ville : des acteurs et des empreintes par Aimé Kakon
Le tourisme balnéaire voulu par Hamdi Assaâd Jelila
L’Agence du Nord par Selma Zerhouni
Le littoral de Chaouen par Hicham Chiadmi
La baie de Casablanca par Nadia Jebrou Guedira
ARCHITECTURE
Maisons d’hôtes à Essaouira par Monia El Fares
Hôtel Sofitel de Mogador par Monia El Fares
Les jardins de la lagune par Nadia Jebrou Guedira
El Mina par Slama El Kadiri
Royal Golf d’El Jadida par Monia El Fares
La médina de Coco Polizzi par Abdeslam Cheddadi et Khadouj Zerhouani
ART
Safâa Erruas par Florence Renault
Perspective sur le design marocain par Selma Zerhouni
Festival de Mawäzine par Selma Benjelloun
ENVIRONNEMENT
Le dragage de sable au secours du tourisme par Fouad Temsamani
L’usager et l’espace accessible par Camélia Rozz
ESPACE ÉTUDIANT
Colloque « Patrimoine / Patrimoines » par Nadia Jebrou Guedira
Institut national des Beaux-Arts de Tétouan par Geneviève Nouhaud
BRÈVES
CHRONIQUE
Naissance de la tragédie