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AM N°49 Le patrimoine, des métiers d’arts et des hommes

Depuis plus d’un millénaire, le Maroc a été pourvoyeur d’hommes de l’art ingénieux à l’habileté manuelle appréciée, notamment par nos voisins espagnols. C’est que ces derniers ont pris conscience avant nous de la richesse patrimoniale de leurs vieilles pierres qui continuent à attirer de nombreux touristes. Grâce au savoir-faire des Marocains, l’Espagne peut s’enorgueillir de l’Alhambra, deuxième monument le plus visité au monde après l’indétrônable Tour Eiffel. Pour réhabiliter dans les règles de l’art ces vieux bâtiments, devenus première richesse nationale, nos voisins ibériques ont eu recours aux techniques anciennes de construction. Or, chez eux, l’artisanat avait été oublié et les métiers d’arts traditionnels délaissés pour la récente industrialisation. Le sous-développement ayant aussi de bon côté, le Maroc avait, lui, maintenu en l’état les savoir-faire séculaires en l’état. C’est donc tout naturellement que les Espagnols sont venus chercher l’habileté de nos maâlems pour restaurer les modénatures des monuments, reprendre le travail du stuc, redresser les fers des « chebbak », réhabiliter la sculpture sur bois… Au moment où nous, nous abandonnions nos plus beaux riads, d’autres venaient puiser dans le terreau des médinas les bons gestes pour réhabiliter leurs vieilles bâtisses. Nous laissions tomber en désuétude notre patrimoine historique, alors que des entreprises exportaient avec succès les savoir-faire d’artisans, répandant ainsi la culture marocaine en Arabie et sur tous les continents. Les architectes marocains refusaient les matériaux traditionnels dans leurs chantiers mais toléraient la destruction de beaux édifices et de vieilles demeures. C’est ainsi que l’on a gommé des chapitres de l’histoire collective urbaine, effacée ! Un véritable « urbicide » dénoncé par quelques militants rapidement découragés.

Ce n’est qu’il y a une vingtaine d’années, à partir de la menace de démolition de l’hôtel Lincoln, que les architectes se sont soulevés et ont réalisé pleinement leur rôle d’objecteur de conscience dans la cité. Ils se sont solidarisés contre les collectivités locales et ont « réussi » à maintenir sous perfusion une ruine qui fait honte aujourd’hui, aux Casablancais. Quand bien même l’on parvenait à réhabiliter cet immeuble Bessonneau inscrit en tant que patrimoine depuis 2000, aurions nous les ferronniers, ébénistes, zellaijis, tailleurs de marbre pour assurer le travail dans les règles de l’art ? Chacun de ces hommes détient les ficelles d’un métier en voie de disparition, sans avenir.

Pour créer une nouvelle chaîne de valeurs dans la production des matériaux traditionnels et les techniques anciennes, la volonté politique doit être ferme et engagée dans le « handmade in Morroco ». Car, la richesse patrimoniale pourrait activer efficacement l’émergence du sous-développement grâce à ces oeuvres et ces hommes. Le legs phénicien, romain, berbère, juif, arabe, français, malgré l’abandon et la dégradation, est créateur d’emplois fabuleux. Lui redonner un nouveau souffle revient à ressusciter des gardiens de la mémoire des métiers d’art en même temps que des bâtiments historiques à visiter. Ils constitueraient la base de l’apprentissage pour la formation dans nos écoles. On en tirerait des leçons pour expliquer notre histoire et consigner le passé pour les générations futures dans des brochures et des livres. On évoluerait sereinement sur les traces de nos ancêtres, relevant chacune des marques de nos cultures superposées. Tel un archéologue, l’architecte y puisera son inspiration pour inventer un nouveau cadre pour l’homme de demain. Ce numéro a montré le travail de l’architecte militant, de la femme et de l’homme de l’art qui défendent chacun à sa façon, l’authenticité de notre héritage.

Ils réhabilitent tous dans l’urgence, sans soutiens et sans moyens, un patrimoine inestimable. Ils ont peur de le voir disparaître. Espérons qu’ils se fassent entendre.

Selma Zerhouni

Sommaire

BIOGRAPHIE

ÉDITORIAL

Le patrimoine, des métiers d’arts et des hommes

COUP DE COEUR

Faculté Polydisciplinaire de Taroudant Selma Zerhouni

CONCOURS

Concours : Le musée national de l’archéologie et des sciences de la Terre à Rabat

DÉBAT

Le patrimoine, fondement de toute société humaine Florence Michel-Guilluy

La réhabilitation de la médina de Fès Florence Michel-Guilluy

Le patrimoine et ses carences en formation Abdelghani Tayyibi

Avenir meilleur pour l’ancienne médina de Casablanca Florence Michel-Guilluy

Amis… du haut de ces murailles, huit siècles vous contemplent ! Mouna M’hammedi

Patrimoine judéo-marocain Florence Michel-Guilluy

Venez aux Mazarates Sefrou ! Layla Skali

Mobilité ou révolution urbaine? Jean Pierre Le Dantec

Triste bilan du patrimoine, ses formations et ses débouchés Florence Michel-Guilluy

Des racines et des ailes Ahmed El Hariri

Mutual Heritage, pour l’avenir du patrimoine récent en Méditerranée Nadia Chabâa

ARCHITECTURE

Le centenaire Dottore Dominico – Basciano, un patrimoine vivant Ahmed El Hariri

Réhabilitation de la forteresse tangéroise en futur centre culturel Hanae Bekkari

Quand Douar Chouk devient Douar El Ouard Mayssoun Besri

La réhabilitation en creux Youssef Lahraichi

L’hôpital Marie Feuillet à Rabat, à préserver absolument ! Alia Bekkari

Un musée de l’architecture pour la médina d’Azemmour Mourad El Kohen

La kasbah Aghennaj El Hadi revitalise Tiznit Aida Akalay

Les greniers collectifs marocains – Un patrimoine traversé par une mémoire d’avenir Salima Naji

L’eau, fil d’Ariane de la culture de Tamesloht Jaafar Sijelmassi

Restructuration d’un petit immeuble au centre ville de Casablanca Ariane Rouge

Restauration de Bab El Kasbah à Larache Noam El Mrabet

La rénovation du marché central de Larache Catherine El Mrabet

Comment valoriser le site archéologique de Lixus ? Catherine El Mrabet

Une église, une mosquée, une synagogue à réhabiliter Médina d’Essaouira Extrait du texte de Elie Mouyal

ETUDIANTS

Plaidoyer pour la renaissance du Théâtre Cervantès à Tanger… Soukayna Akalay

Le concours Art’Com Sup pour la « Une » de AM Selma Zerhouni

Un projet fougueux : « Borj Al Mamlaka » Youssef Fassi Fihri

MATERIAUX

La chimie à l’encontre de l’humidité des vieilles murailles Jade Barrada

ART

La geste de Mohammed Chabâa Abdellatif Laâbi

Les villes « orientales » d’André Elbaz Jean-François Clément

ENVIRONNEMENT

Bativert : construire l’avenir Laila Benyahya

BREVES Nadia Chabaa

PARUTIONS

CHRONIQUE

De la versatilité de l’homme face à son patrimoine