AM N°40 L’architecture de Rabat, schisme culturel ou volonté historiciste ?
L’architecture de Rabat, schisme culturel ou volonté historiciste ?
« Toute recherche tendant à produire un effet traditionnel est plus ou moins marquée par l’intervention de la conscience. Mais l’art appartient à l’inconscient.» Wassily Kandinsky.
Les villes de Rabat et de Salé recèlent des modèles architecturaux et urbanistiques exceptionnels. Dépositaires de beaux vestiges historiques, elles sont aussi l’expression d’une modernité avancée. Chaque période de l’histoire y est lisible. La période coloniale a légué un centre urbain d’une haute facture. Plus tard, des architectes comme Tastemain, Faraoui, Demazières, Verdugo ont renforcé la tradition du construire moderne. Dans les années 90, on a vu s’ériger à Hay Riad des sièges administratifs et des équipements contemporains aux lignes épurées. Le quartier est vite devenu la référence dans les règles de l’art.
Plus tard encore, la modernité affichée de nouvelles constructions comme la bibliothèque nationale ou la place Piétri ont affiné le propos. L’avenir de l’architecture semblait marqué par la promesse d’innover avec audace. De plus, le programme ambitieux lancé par le ministère de la culture a laissé présager la construction d’espaces culturels prétextes, comme de par le monde, aux plus folles aventures créatives. On se voyait déjà avec notre Guggenheim exhibant à la façon de Bilbao notre patrimoine artistique et accueillant la production universelle par l’architecture du lieu. On n’avait aucun mal à se projeter dans une capitale riche en musée, en galerie d’art, en sites archéologiques et en balades conviviales. La rénovation des deux médinas Rbati et Slaoui, la réhabilitation du bidonville Al Kora, le réaménagement de la corniche, des berges du fleuve Bouregreg, le tramway… ces grands projets, contribuent en effet, à bâtir un modèle, une réussite urbaine. Le patrimoine historique étant préservé, l’on accueille sans complexes les bâtiments futurs.
Déjà, le paysage urbain dégage une personnalité forte, ancrée sur l’équilibre d’une architecture féconde à l’homogénéité relative.
Dans toute cette mouvance, un monument semble hors propos et crée une rupture par sa facture architectonique. Le musée d’art contemporain dessiné par l’architecte Karim Chakkour. Il a consenti l’extraversion de modénatures décoratives en façade, et a trahi la cohérence de l’ensemble du quartier ainsi que la tendance des courants créatifs actuels. En effet, si l’on admet que les monuments traditionnels enfermaient pudiquement toutes fioritures pour ne laisser à l’appréciation du passant qu’une façade sobre, on peut dire que, dans son contexte, l’architecte fait une petite révolution aussi dans le monde de l’architecture nationale. Le décorum qu’il a utilisé brouille la lecture des courants architecturaux actuels. Dans quelle référence universelle a-t-il donc puisé son inspiration ?
La vocation artistique d’un tel bâtiment met au centre le débat sur l’architecture et la créativité. Son appartenance doit être explicite. Or, elle semble révéler une volonté de troquer la liberté d’expression des artistes créateurs censés rayonner au-delà des frontières contre la volonté historiciste fermée de la commande publique. L’enjeu est de taille ! Car au-delà de l’édifice, ce nouveau langage créé un schisme dans l’appréhension de toute la production artistique contemporaine au Maroc.
Selma Zerhouni
Sommaire
BIOGRAPHIE
ÉDITORIAL
L’architecture de Rabat, schisme culturel ou volonté historiciste ?
COUP DE COEUR
Le Maroc remporte le premier prix des Holcim Awards 2008 – De Oued Boukhrareb à Oued Jawahir à Fès Amine Mernissi
CONCOURS
La maison des Architectes
DÉBAT
Rabat : Quel projet urbain pour l’agglomération ? Fathallah Debbi
A l’origine, fût Sala ! Sarah Zaïd
L’école de cirque à Salé – Vecteur social et culturel Valérie Moeyensoon
Passerelle entre deux rives et transversalité des cultures Amine Mernissi
MATERIAUX
Construire avec la lumière Mourad Nqibat
BOOK-ARCHI
L’aménagement de la Vallée du Bouregreg Selma Zerhouni
Les berges du Bouregreg : requalification ou bétonisation ? Hanane Bouchtalla
Le Pont Moulay Hassan, un chef-d’oeuvre signé Mimran Sarah Zaïd
Un tunnel sous la Casbah des Oudayas Sarah Zaïd
Le premier tramway du Maroc verra le jour à Rabat-Salé Ito Dias
ARCHITECTURE
Technopolis de Rabat-Salé bâtiment HQE Nadia Jebrou
Piétri cède sa place à Moulay Al Hassan et redéfinit un centre Asmae Issam
La Bibliothèque Nationale du Royaume : force et tranquilité Nadia Jebrou
Une minute d’arrêt à la gare Rabat-Ville Bouchra El Fares
Le Musée d’art contemporain : un contre-pied au modernisme ? Bouchra El Fares
Logement social à Rabat : al Kora montre l’exemple Asmae Issam
PATRIMOINE
Pillage d’une Médersa Mérinide Bonnie Kaplan
Reconversion des abattoirs de Casablanca : priorité à la culture Selma Zerhouni
ART
Une coupole à 8 mains Valérie Moeyensoon
ETUDIANT
L’astigmatisme du temps et de l’espace à Jérusalem Abdallah Fili
ENVIRONNEMENT
Le décharge d’ordures de l’Oulja devient jardin Sarah Zaïd
Le traitement des eaux usées Sarah Zaïd
BREVES