AM N°38 La vogue « Marrakech »
La vogue « Marrakech », posture ou imposture ?
L’architecture de Marrakech survivra-t-elle ?
Pour comprendre les idées des architectes pratiquants, AM a voulu faire un point sur les idées sous-tendant leurs expressions artistiques. Il faut dire que jamais projets aussi distincts n’avaient été réalisés en si peu de temps dans une ville africaine.
Victime de son succès, Marrakech connaît aujourd’hui les maux habituels des villes qui grandissent trop vite, comme la pollution ou la circulation engorgée. Mais cela ne décourage personne. Les riads, pourtant hors de prix, sont cédés à de joyeux usagers venus de tous les coins de la planète. Les villes satellites fleurissent aux alentours. Les voies s’élargissent. La ville « moderne » se restructure autour d’un nouvel espace créé sur l’ancien terrain du marché central. Certains crient à la démesure, déplorent le changement… D’autres, au contraire, y trouvent leur compte. Les architectes notamment pour les grands projets dont ils sont les heureux concepteurs.
Marrakech demeure magique, car sa lumière, elle, n’a pas changé.
Les effets de la mondialisation, étayés par le pouvoir d’achat, ont provoqué une surenchère de l’architecture devenu un « produit ». De nouveaux instruments, comme la communication, le marketing et la fabrication d’image, sont apparus. « L’architecture est devenue un signe, un logo, un produit dont on attend un effet d’image », déplore François Chaslin.
Marrakech peut-elle devenir le lieu de l’émission d’une mode pérenne, d’un style universel, d’une posture intellectuelle décomplexée et vivace ? Pas sans théorie. En effet, l’innovation immédiate de projets isolés ne peut suffire. La culture accumulée souffre d’une carence en définition, en grille d’analyse, en guide pour l’action, en réflexion théorique…
Si l’on peut d’ores et déjà dire que Marrakech dame le pion à Casablanca et la concurrence sérieusement en tant que laboratoire des tendances architecturales, on ne peut cependant prétendre à la défendre. Les théories qui sous-tendent l’édification des projets que nous vous présentons, sont vagues et consensuelles, guidées par la nécessité de trouver la commande. Il suffit d’écouter les architectes pour constater l’absence de référence dans les deux options créatives qui les distinguent. L’une portant la lourde responsabilité de rester fidèle à la tradition identitaire, l’autre dans le suicide lucide et courageux du rejet de tout modèle culturel. Les deux voies font appel à des choix triviaux de l’architecte et aux artifices dont il est le maître d’oeuvre. Les deux sont aussi assujetties à une commande et tributaires des besoins commerciaux afférents au marché de l’immobilier touristique. La « tendance Marrakech » est typée dans sa couleur ocre harmonieuse. Mais l’écart entre l’expression architecturale antihistorique des années 70 et les aventureuses années 2000 se prononce. Il se décline à l’avant-garde d’une architecture nationale qui hisse le drapeau du signe annonciateur de son appartenance. Mais son devenir court le risque de se limiter à la localité au lieu de faire des adeptes. Marrakech a marqué son appartenance à une identité historique marocaine, copiée et reconduite à la mode américaine, façon Disneyland : on en exagère les traits.Quelques projets s’en défendent et optent pour l’épuration, la sobriété, la dignité du geste libre et le refus de compromis. La volonté de progrès crée un rapport nouveau à l’histoire. La ville est prête à reconsidérer son héritage, mais aussi le mouvement moderne et son orientation antihistorique. Pour que la tradition vive et s’épanche, le travail sur la création de nouvelles références utilisées par les praticiens doit être porté par la théorie et la critique. Pour que la posture des architectes deviennent un mouvement de pensée et non pas une imposture…
Selma Zerhouni
BIOGRAPHIE
ÉDITORIAL
La vogue « Marrakech », posture ou imposture ?
COUP DE COEUR
À propos de Luis Barragan, une architecture de la joie
CONCOURS
Agence Urbaine de Marrakech
DÉBAT
Marrakech est en marche Hanane Bouchtalla
Marrakech, locomotive du tourisme du Maroc Valérie Moeyensoon
L’authenticité plurielle du Maroc Valérie Moeyensoon
Pour une mixité urbaine de Marrakech Valérie Moeyensoon
Marrakech, la ville tendance Valérie Moeyensoon
Marrakech n’est pas uniquement touristique Sarah Zaïd
L’architecture de Marrakech ne constitue pas un courant Sarah Zaïd
L’architecture ne s’exporte pas Asmae Issam
L’architecte est l’ambassadeur de son époque Valérie Moeyensoon
Paroles de Promoteur Bouchra El Fares
La tendance est variée Bouchra El Fares
D’abord la lumière Bouchra El Fares
ARCHITECTURE
Le granite Hanane Bouchtalla
L’hommage au pur-sang arabe Sarah Zaïd
L’éternel Al Maaden Sarah Zaïd
Gare de Marrakech, quelques minutes d’arrêt ! Asmae Issam
Hôtel Atlas Médina, dédié à l’architecture climatique Nadia Jebrou
Campus International du Tourisme et Hôtellerie Bouchra El Fares
Le carré d’Eden Hanane Bouchtalla
Au Paradis des oliviers, Hommage à Dame Nature Valérie Moeyensoon
Et de trois… les Jardins de la Palmeraie Bouchra El Fares
Les Jardins de l’Ourika Bouchra El Fares
ETUDIANT
Siham Sara Chraibi, Contemporanéité et Architecture Siham Sara Chraïbi
PATRIMOINE
Quaraouiyine, mystère tu resteras ! Asmae Issam
ART
L’Estampe : de la trace à l’empreinte – Atelier Lahkim Bennani Sophie Geissmann
ENVIRONNEMENT
Marrakech fête l’art du jardin à Jardin’Art 2008 Nadia Jebrou
BRÈVES