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AM N°27 Un book d’architecture de Casablanca

Casablanca et les intellectuels

 Plus que jamais le grand Casablanca a besoin de réunir ses intellectuels autour de son urbanisme, son architecture, son urbanité en devenir. Les écrivains, les artistes, les universitaires, les psychanalystes, les philosophes et les poètes, tous devraient se prononcer sur leur cité. Inéluctablement, la mégalopole grandit au rythme de finances injectées, sans grand investissement pour la recherche, les idées nouvelles. À coup de chiffres colossaux et de démonstrations convaincantes sur des opérations d’aménagement et de développement pour demain, on communique beaucoup. Des managers avertis défendent, à l’aise devant les micros, une Casablanca de demain, performante, prospère… gigantesque !

Mais comment sera-t-elle ? Un monstre qui broie le citadin dans un quotidien éreintant ou bien un havre de paix ? Une ville à l’architecture contrôlée ou un espace d’accueil pour geste gratuit et modes passagères ?

C’est que la machine à vivre, la grande métropole du pays est en marche. Les femmes et les hommes d’affaires internationaux savent faire et tiennent leurs engagements. Les acteurs techniques et financiers sont déjà là. Tous sont prêts à réaliser de grands projets structurants, rentables, audacieux. La Marina, La ville nouvelle d’El Mansouria, l’aéroport d’Anfa, la zone offshore, la corniche, Nouaceur, nombre de territoires sont fraîchement ouverts à la construction. Sans tambour ni trompettes, des travaux herculéens démarrent sous la houlette de grandes entreprises reconnues dans le monde pour leur efficacité, leur organisation, leur pouvoir économique. Pendant ce temps, les penseurs, les sociologues, les écrivains, des architectes de talents, chôment. À croire qu’ils n’ont pas leur mot à dire dans cette ville. D’aucuns iraient jusqu’à nier leur existence. Pas de « véritables » intellectuels à Casablanca, diton.

En voulant classifier les tendances dans ce numéro, on s’est rendu compte que des disciplines diverses peuvent se pencher efficacement sur l’avenir de l’architecture et du cadre bâti. Non pas en interférant directement sur les chantiers en cours, mais en suscitant de nouvelles approches et en suggérant de nouvelles idées. C’est en associant des penseurs exigeants que l’expérience urbaine et architecturale de notre pays pourra rejoindre l’ambition déclarée des pouvoirs publics. La concertation devrait permettre d’évaluer les choix et les identifications des projets, mais aussi l’information à communiquer. Car si les intellectuels prennent le relais des managers, alors, on peut espérer qu’un véritable courant créatif puisse émaner de Casablanca. Il pourrait avec des porteparole de qualité, atteindre des contrées lointaines et rayonner dans le monde entier. Le Maroc a réussi à exporter son savoir-faire en matière de droits de l’homme, il peut bien le faire avec son architecture contemporaine et lancer la mode de l’architecture future. On peut très bien imaginer les chercheurs de différentes régions du monde qui viendraient étudier les différentes époques si visibles dans le paysage urbain de notre ville de toutes les libertés, laboratoire reconnu de l’architecture. Ils apprendraient comment la concertation dans l’urbanisme et l’architecture a été pendant l’année 2006, juste avant l’ouverture des frontières, un grand acte de démocratie, qui a associé autour du cadre bâti, les spécialistes du domaine, les pouvoirs publics, les maîtres d’ouvrage, les associations et les individualités fortes.

Comment les casablancais avaient-ils du talent ? Comment parvenaient-ils facilement à adopter  des axes novateurs, à en faire leurs expériences propres ? Et comment étaient-ils toujours à la recherche de nouvelles formes à imaginer, de textures, de matériaux, de volumes encore à vivre.

Car les casablancais ont des idées. Ce qui leur manque, c’est conceptualiser, diffuser et faire reconnaître par les canaux de communication les notions qu’ils inventent. Ils leur manquent une part d’investissement réservée dans les business plans à l’ingénierie et aux concepts. A l’échelle de l’édification d’une ville, cette part est essentielle et doit être importante. Si l’on désire sérieusement que les intellectuels deviennent des relais et des soutiens à la décision des pouvoirs publics, ils devront pouvoir gagner leur vie en « vendant » le temps qu’ils y consacrent. C’est la seule possibilité de les faire réagir sans équivoque et avec l’engagement nécessaire. De plus, à rémunérer la réflexion, on parvient à distinguer clairement les « vrais » intellectuels et à éviter un bénévolat néfaste par sa médiocrité et son manque d’exigence. C’est à ce prix que Casablanca entrera dans la troisième grande étape de son évolution. Après la première guerrière, où la prise de pouvoir se faisait par la force, la seconde, dans laquelle nous avons vécu, a été très matérialiste et le pouvoir était pris par l’argent, la troisième sera intellectuelle et le pouvoir se prendra par les idées.

L’architecture en est l’expression à la fois plurielle et aboutie.

Selma Zerhouni

Sommaire

 ÉDITORIAL

Casablanca et les intellectuels

 ACTUALITÉS

Le musée de la Caisse nationale du crédit agricole – Un projet mécénal

 CONCOURS

Un centre de vacances à Cabo Negro

 DÉBAT

Le maire de Casa lance un appel aux architectes Propos recueillis par Khaddouj Zerhouani et Selma Zerhouni

Vers quel courant va Casablanca ? par Bouchra El Fares

Trois questions au Président du Conseil régional de l’ordre des architectes du centre Propos recueillis par Khaddouj Zerhouani

Casablanca, éternel lieu de création architecturale par Réda Kassiri

Identité de Casablanca par Ahmed Chami

Entrées médinales Par Mostafa Chebbak

Les architectes sont responsables de la ville ! par Rita El Khayat

Scénario d’une folle qui rêve de Casablanca en 2015 Par Soumaya Naamane Guessous

Le logement ne fait pas la ville Propos recueillis par Selma Zerhouni

 ARCHITECTURE

Un book d’architecture de Casablanca

Immeuble « La Place » – Quand l’architecture influe sur l’urbanisme

Hôtel Barceló, une marque de prestige

 La CNSS développe son identité visuelle propre

 Un double réussi pour une clinique d’esthétique

 L’immeuble « Plein Sud », un rappel du passé

 L’immeuble « Garden City », un édifice pour plusieurs marques

 Le hammam « Topkapi », une intégration par contraste

ART

 Flammes et cendres par Edmond Amran El Maleh

ENVIRONNEMENT ET PATRIMOINE

 Une réhabilitation cosmétique par Aziza Chaouni

ESPACE ÉTUDIANT

 Les ingénieurs de mettent à l’art ! par Mostafa Chebbak

BRÈVES