AM N°25 Figures de l’architecture moderne au Maroc

Figures de l’architecture moderne au Maroc

Comment comprendre l’ancrage théorique des architectes qui agissent sur notre cadre bâti ? Quelles tendances créatives les guident pour imaginer nos villes et les bâtiments qui la composent ? C’est pour tenter une classification que dans notre dernière livraison nous avons fait l’état des lieux des concours d’architecture au Maroc. Ce fut, du reste, un précieux témoignage de l’audace créative d’une jeunesse libre de toute idéologie propre à ce genre de métier.

Dans ce numéro-ci, il nous a paru essentiel de faire un tour chez les anciens. Précurseurs dans bien des domaines, ils ont participé activement à l’édification des villes modernes marocaines. Grâce à ces vétérans, nous avons beaucoup appris sur les premiers développements de l’urbanisme et de l’architecture dans notre pays. Nous avons pris la mesure du chemin parcouru entre cette époque et l’évolution actuelle. Mais présentons les d’abord : Ils ont 70 ans et plus, et comme ils étaient à l’avant-garde, ils ont conservé un discours stimulant et se sont forgé une belle prestance. C’est qu’ils ont gravé par la pierre leur histoire et il y a de quoi être fier. A voir la modernité des édifices de l’époque, l’on s’aperçoit de la prédominance du leur rôle dès le 1ier plan de Prost ( le 15 Aout 1917). Ces hommes de l’art ont accompagné le pouvoir en artiste complet non sans avoir eu à affronter de grand maître d’ouvrage et des princes exigeants. Se passionnant pour les idées nouvelles, ils ont couru l’aventure, guidés par un credo : la modernité.

Leurs plus belle réalisation demeure la reconstruction d’Agadir. Cette ville renferme l’expression la plus cohérente, le cachet le plus typé, d’une époque encore vivace dans les mémoires collectives. Ils y ont dénoncé courageusement la ségrégation urbaine mais aussi le pastiche, le folklore et le mauvais goût. Puis, ces architectes se sont enfermés dans un mutisme réprobateur dans les années 80, terrassés par l’accélération de la vulgarité et de l’irrespect des règles de l’art.

Nous ne pouvions risquer une critique constructive sur l’architecture et l’urbanisme de demain sans revenir à ce Maroc de l’indépendance. Il nous fallait comprendre le canevas théorique qui rassemblait ce groupe de pensée homogène. AM leur a proposé nos colonnes pour qu’ils s’expriment et affirment leurs regards sur leur travail et celui de leurs confrères d’aujourd’hui. S’il est vrai que les réponses restent singulières, tous font partie d’un seul et même courant créatif et artistique et ont la même vision politique. Leur posture n’est pas uniquement d’ordre esthétique mais aussi et surtout d’ordre éthique.

Ces maîtres d’oeuvre influents, notables, conseillers de la ville n’avaient aucun penchant vers le management ni pour le business. Pour eux, le sauvetage de l’humanité ne peut se faire en dehors des règles de l’art. Les concessions en matière d’architecture et d’urbanisme provoquent des avatars que viennent relayer les faiblesses dans l’enseignement des écoles et dans la pratique du métier. Le matérialisme déclaré de leurs jeunes confrères ne peut se justifier. Ils ont du mal à comprendre « comment l’architecture marocaine en est arrivée là ». Sans nostalgies, ce numéro de AM voudrait rappeler que ces architectes ont été originaux et généreux. Qu’ils ont construit des monuments ordinaires visitables aujourd’hui.

En réaffirmant leur place d’acteurs majeurs dans le paysage urbain, on les réinstalle à leur place légitime dans la cité. Mais, attention ; s’ils sourient quand on les traite de « dinosaure », aucun d’eux ne se sent vieux et tous continuent à désirer construire et à souhaiter garder jusqu’au dernier moment…le crayon à la main.

Selma Zerhouni

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