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AM N°19 Habitat social et intégration urbaine

Pas d’intégration urbaine sans architectes !

 Vingt ans après le désastreux héritage urbain issu d’un exode massif amorcé dans les années 50, densifiant l’habitat et étalant de manière irraisonnée nos villes, on commence enfin à évoquer le logement social en abordant franchement les malfaçons de cette architecture de l’urgence et les tares de cet urbanisme de rattrapage. Non réfléchi, non conceptualisé et… sans architectes, l’habitat des périphéries a été non contrôlé et a provoqué une rupture sociale sans exutoire possible. Péniblement, une nouvelle culture tente de s’installer et de nommer les choses sans langue de bois. Dorénavant, l’ex-logement social deviendra habitat du plus pauvre (il y a l’environnement aussi), à faible VIT (il faut aussi compter le foncier), etc. Voilà qui a le mérite d’être clair ! Les centres coloniaux ne sont plus en reste non plus et, au lieu de les délaisser, on envisage enfin les effets positifs de leur réhabilitation sur le tourisme urbain. Quant aux périphéries, la nouvelle politique qui s’annonce ne cherche aucunement à limiter la croissance urbaine galopante et foisonnante. Les besoins déclarés devront être satisfaits, mieux, il faudra anticiper sur la dynamique sociale d’un pays jeune. Cela signifie accélérer un rythme de construction déjà effréné. Mais a-t-on pour autant compris les exigences de ces futurs habitants ? Est-il possible, sans sacrifier à la qualité de construction et de conception, de proposer des solutions rationalisant les gestes et améliorant les prestations du logement et de son environnement ? L’exigence de rentabilité devra-t-elle éradiquer la culture de l’esthétique, de l’architecture, raccourcir le temps de réflexion ? Ce n’est certainement pas en bridant les idées et en rognant sur la partie conceptuelle que l’enveloppe budgétaire globale s’en trouvera allégée. Bien au contraire. En élargissant la marge de manoeuvre des architectes, en leur offrant une matière de réflexion plus riche que le moindre coût  on peut faire prévaloir la qualité de vie d’une famille et l’espace optimum qui lui est nécessaire. On se rend compte que certains programmes d’habitat social seront désastreux pour le futur et nous avons déjà chèrement payé ces négligences. Quand les événements douloureux du 16 mai sont venus bousculer les mentalités, on s’est rendu compte, pour la première fois, que cette violence inouïe est le résultat d’un malaise social lui-même provoqué par un cadre de vie malsain. C’est la faute à l’architecture si le désespoir atteint ces extrémités. Tout le monde s’est accordé à évaluer le coût de cette non-qualité.

Les générations passées n’ont pas mesuré l’énormité des conséquences de la dégradation urbaine et de l’habitat insalubre sur l’homme. En plus de l’influence négative qu’elle a sur les autres secteurs économiques. N’oublions pas le slogan de l’association Afak : « Peut-on développer notre pays avec des rues sales ? »

C’est grâce aux architectes qui consentiront à rejoindre le quotidien pour interroger et stimuler les singularités de l’homme marocain que le Maroc pourra réussir son espace urbain. Les décideurs redécouvriront alors leur rôle humanisant , au lieu de laisser à la merci des spéculateurs fonciers et des apprentis promoteurs, devenus les maîtres du jeu, notre urbanité. L’architecte sait tisser un ensemble de relations entre les besoins, les envies, les projections dans le futur de ces individus en quête de logement. Pour retrouver sa force de proposition, il faudra qu’il retrouve sa place privilégiée à la fois dans le monde des décideurs et dans la ville. En 1924, Le Corbusier a écrit « que les architectes dont la première tâche est de scruter notre vie agissante et d’y reconnaître les serviteurs nécessaires, se mettent à la recherche de l’élément dont l’industrie produisant en série atteindra la perfection du standard » . Une voie vers une architecture de masse qui sous une impulsion positive fera naître, qui sait ? le mouvement Bauhaus à la marocaine.

Selma Zerhouni

Sommaire

 ÉDITORIAL

Pas d’intégration urbaine sans architectes !

 ACTUALITÉS

La villa des arts expose Soumiya Jalal Mikou par Selma Zerhouni

Faire petit et voir grand ! par Selma Zerhouni

 CONCOURS

Le Ministère de l’Intérieur conçoit son siège dossier préparé par Khaddouj Zerhouani

 DÉBAT

La nouvelle politique du gouvernement en matière d’habitat social propos recueillis par Khaddouj Zerhouani

La CGI à la rescousse du logement social propos recueillis par Selma Zerhouni

Les grands ensembles par Younès Medaghri-Alaoui

Prise en compte des dimensions sociales et projets de résorption des bidonvilles par Françoise Navez-Bouchanine

L’architecture, une grande absente dans l’habitat social par Abdelhadi Benchafai

Fracture urbaine et monde commun par Mostafa Chebbak

 ARCHITECTURE

Le projet Al Kora, d’une pierre deux coups par la SDEK et Khaddouj Zerhouani

La cité Bournazel fait peau neuve par Khaddouj Zerhouani

Sala al-Jadida, la cité du nouveau millénaire par Bouchra Lahbabi

Massira II, un programme de recasement de bidonville par Nadia Jebrou

Logement social en France par Abdeslem Basset

Logement social en Tunisie par Salam Trabelsi

 ART

Memoarts.com : le patrimoine marocain en ligne Propos recueillis par Selma Zerhouni et Mostafa Chebbak

Qotbi écrit : une peinture de l’accueil et de l’entrelacs par Mostafa Chebbak

GENAP : une visibilité plastique par Mostafa Chebbak

 ENVIRONNEMENT ET PATRIMOINE

Parc de l’Hermitage par Florence Renault-Darsi

 BRÈVES 

 POÉSIE

Les sept vagues Par Mostafa Nissabouri