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AM N°16 Les architectes qui s’exportent

Vérité en deçà de la chaîne de l’Atlas

 Pourquoi reconduisons-nous à travers l’architecture d’ici et de maintenant, arabesques, moukarnas, zelliges, formes ornementales et matériaux du passé ? Est-ce simplement parce qu’ils nous sont depuis longtemps familiers ou bien parce qu’ils répondent plutôt à un certain désir d’Orient, un désir d’authenticité sublimé, mythifié au point de s’emparer de l’imagination et de prendre le contre-pied d’une vraie conscience culturelle ? En d’autres termes, se prévaloir de reconduire le style marocain galvaudé et racoleur résulte-t-il ou non d’une attitude intellectuelle suspecte ?

 C’est pour répondre à ces questions d’ordre culturel et identitaire que nous sommes allés chercher des architectes qui s’exportent et qui construisent ailleurs. Pour tenter aussi de comprendre l’imaginaire de l’autre, du visiteur, du touriste furtif, ce commanditaire féru d’exotisme et proprement fasciné de représentations orientalistes. À travers cet art majeur qu’est l’architecture, nous sommes allés en quête de traces, de critères de spécificité rêvée, de tradition inventée et d’imagerie tenace dans le fantasme des étrangers.

Un architecte marocain s’exprimera-t-il de la même façon chez lui et ailleurs ?

Dans cette modeste contribution, AM voudrait apporter un éclairage supplémentaire à la lecture de notre siècle. Non pas en trouvant les réponses, mais en cherchant les bonnes questions. La liberté d’entrer en conflit avec le monde des référents traditionnels semble plus aisée au Maroc car nos attaches culturelles ne courent pas le risque de ruptures irrémédiables. Liée à cette problématique, il y a la question de notre image à l’étranger. Au regard de l’autre, nous sommes gardiens de tradition, de savoir-faire immuable.

Nous ne pouvons donc prétendre à la modernité qu’en nous plaçant dans un registre de psittacisme, de copiage indécent et de pastiche aveugle. Car les

référents contemporains et la technologie avancée dans l’architecture n’ont pas été générés ou pris en charge dans notre environnement. Donc, la créativité qui aspire aux matériaux, concepts et procédés novateurs, n’est pas souhaitée. L’argumentaire contre se résume souvent à la formule : « ils n’ont pourtant pas à se plaindre, pourquoi ne se contentent-ils pas de reconduire leur passé ? » .

Pourtant, nombreux parmi ces architectes qui construisent à l’étranger ne se préoccupent pas de transmettre leur dimension culturelle telle quelle et certains le font, en revanche, pour répondre à des commandes précises.

Ce numéro a demandé beaucoup de temps de préparation. Parmi les projets qui nous ont été proposés, notre sélection tendait plus vers les signes de marocanité proclamée ou le déni total de ceux-ci. Ce marquage précis nous guidera peut-être vers des gestes futurs, pour ceux qui construiront après nous, sinon vers une classification que nous voulons dès à présent tranchée. Vers ceux qui penchent pour la tradition, ses valeurs esthétiques et sa conservation, puis ceux qui votent moderne, dynamique et forcément amnésique.

Le modèle japonais indique la voie puisque là-bas, il est strictement interdit de modifier un savoir-faire traditionnel. L’Etat injecte un financement exceptionnel pour préserver une authenticité sacralisée, consignée, expliquée et précieusement conservée. Par contre, tout geste lié à la productivité est libre, la créativité et l’innovation encouragées et incitées. Voilà en quoi le Japon parvient à avancer sans appauvrir sa culture traditionnelle ni enrayer son dynamisme moderne.

Alors dépassons les limites des frontières et allons chercher le sens de notre histoire dans une autre vérité située entre hier, aujourd’hui et demain, au delà de l’Atlas !

Selma Zerhouni

Sommaire

 ÉDITORIAL

Vérité en deçà de la chaîne de l’Atlas

 ACTUALITÉS

Chaïbia est morte, … vive Chaïbia par Ali Tazi Saoud

Chronique du nouveau concept d’autorité appliqué à l’urbanisme par Selma Zerhouni

L’aide à la décision grâce au concours d’idées à Harhoura par Hayat Omani

 DÉBAT

Propos d’architecture marocaine en salle d’embarquement par Abdelhadi Benchafai

De l’exil conditionné à l’exil volontaire par Leïla Zerhouni

 ARCHITECTURE

Driss Ben Chérif, le dentellier du désert

Chercher dans ce qui fait la culture et non ce qui fait l’identité par Abdellah Sellami

De l’obstination à la profession de foi par Abdeslem Basset

L’architecture sans geste gratuit par Omar Kobbité

Un architecte minimaliste et contemporain par Fouad Lahlou

Le parti pris du moderne appliqué à l’existant ancien par Mahfoud Samir

 ART

Hicham Lahlou, précurseur marocain du design par Nadia Jebrou

L’architecture, un propos nuancé : Aziza Chaouni par Layla Skali

 ENVIRONNEMENT

« L’Hermitage en projet » – 2003 / 2004 par La Source du Lion

 ESPACE ÉTUDIANTS

Projet d’Habitat Social à Douar El Kora par l’ENA

 BRÈVES 

 POÈME

Le poème en bandoulière Par Mostafa Nissabouri