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AM N°15 Un port, deux villes, une région …

Tanger tourne le dos à Tétouan, c’est bien connu

Ces deux villes se concurrencent, se jugent, et de temps en temps se déclarent quelque forme d’antipathie mutuelle. Comme deux coquettes, elles se mirent et comparent leurs atours à l’aune de leurs attraits, au degré d’émerveillement lisible sur le visage de leurs usagers.

Ces demiers effectivement n’échappent pas à l’envoûtement.

L’enchantement qui opère vient de loin. ll est mythique et nombreux sont ceux qui se fixent dans la région sans l’avoir prévu, comme si cela devenait inévitable. Les exemples foisonnent : Paul Bowles ou les poètes de la Beat Génération, Delacroix, Matisse, ou Randy Weston, mais aussi la riche héritière Barbara Hutton. À y réfléchir, l’explication de ce charme provient certainement des dieux de la Grèce antique et des récits homériques. Si Ulysse naufragé n’a pas pu résister pendant dix années à Calypso, cette nymphe reine de l’île d’Ogygie prés de Gibraltar, c’est que le pouvoir du lieu est immense.

Tétouan tourne aussi le dos à Tanger, c’est bien connu.

En réalité, les deux belles couvent un même tempérament insulaire. Elles campent un naturel séduisant mais redoutable. L’une est discrète et se pare de son histoire pour jouer la pudique, l’autre, exubérante, ne compte pas lâcher une once de son panache. Les deux se plaignent de leur enclavement tout en s’y attachant pour marquer leur différence et continuer à déplorer le manque d’implication du pouvoir central.

Inégalité ou alibi ? La démonstration est à faire.

Car, depuis que le plus gros projet du Maroc est envisagé dans la région, la population exulte, les habitudes tombent. Le port Tanger Med est une infrastructure colossale ; situé entre les deux villes, il provoquera certainement un bouleversement, voire un véritable séisme dans les règles locales. La région devra affronter un flux humain énorme. Pour une zone longtemps bouclée, l’attraction sera géante car elle concernera la population à la recherche de travail provenant du pays mais aussi l’investissement européen. Géants aussi seront les aménagements et l’infrastructure nouvelle faite de route et d’autoroute, de rocade et de voie de chemin de fer. Pour ce territoire encore vierge et fragile, l’écosystème ne pourra être préservé qu’à des conditions draconiennes. De la même façon, la prise de conscience collective et la motivation de la société civile à accepter le changement seront nécessaires pour soutenir des objectifs étatiques. Les aménagements prévus pourront devenir le moyen de valoriser le potentiel régional dans le respect de l’histoire, dans la culture prégnante de l’archéologie punique. phénicienne et gréco-romaine.

Les populations des deux villes devront profiter de ce changement inéluctable dans leur région pour transformer leur mentalité d’insulaires et conjuguer l’attrait incommensurable qu’un port d’une telle taille ne manquera pas de provoquer, avec celui de l’esprit d’entreprise. Sinon, l’expansion économique à cette vitesse risque
de se faire à leur détriment et sans tenir compte de cette sédimentation sociale si précieuse qui a mis des siècles à s’installer.

Selma Zerhouni

Sommaire

ÉDITORIAL

Tanger tourne le dos à Tétouan, c’est bien connu

ACTUALITÉS
Expo Voth à la Villa des Arts par Amine Cheddadi

Concours pour la construction du siège de l’Agence Urbaine de Laâyoune par Abdelhadi Benchafal

DÉBAT

Politique régionale. un cadre naturel pour la mondialisation propos recueillis par Selma Zerhouni

Interview Lhadi propos recueillis par Khaddouj Zerhouani

Vers une profonde structuration du territoire régional par Mohamed Temsamani

Résurrection du patrimoine civilisationnel d’Al Andalus par Abdelouahed Akmir

Tanger, urbanisation d’un mythe par Hanae Bekkari

De la conscience insulaire par Mostafa Chebbak

ARCHITECTURE

Port de Tanger par Khaddouj Zerhouani

La nouvelle gare ferroviaire de Tanger, un départ pour la concrétisation des grands projets de la ville par Youssef Melehi

L’institut de Thalassothérapie de Marina Smir, un témoignage éclectique de l’architecture méditerranéenne par Nadia Jebrou

Le siège de I’AZIT par Selma Zerhouni

Bank Al Maghrib de Tetouan, une rupture avec l’architecture conventionnelle des banques par Khaddouj Zerhouani

Pont des deux cultures ou le rêve de deux jeunes architectes par Ahmed Amor et Montasser Muffak

ART

Tanger une ville qui fait jazzer par Philippe Lorin

Les musiques traditionnelles du monde par Jean-Luc Larguier et Larbi R’Miki

Zakaria Ramhani, l’art comme éthique pour atteindre l’esthétique par Nicole de Pontcharra

ENVIRONNEMENT

Restauration de la synagogue Bengualid à Tétouan par Anas Aamiar et Najib Proubi

Chronologie des restaurations d’un palais par Abdelatif Elboudjay

Quelle est le devenir de la façade de l’ex-consulat des Etats-Unis à Tanger ? par haddouj Zerhouani

Lorsque l’action sociale de conjugue avec la réhabilitation d’espaces abandonnés par Hanae Bekkari

Parc Naturel Urbain de Perdicaris/Rmilat: patrimoine naturel et urbanisation par Mohamed Temsamani

BRÈVES

CHRONIQUE 

Brèves apparitions par Mostafa Nissabouri