Afribat, un forum pour booster les rapports Sud Sud
The Tangiers Afribat Forum est le premier symposium africain qui porte sur le « Made in Africa » dans le domaine de la construction. Il s’est déroulé du 20 au 23 Juin 2013 avec des architectes tangérois très engagés dans une organisation impeccable. L’équipe de AM était présente et a interviewé la maîtresse de cérémonie : l’architecte Firdaous Oussidhoum.
Architecture du Maroc : Pensez-vous que Afribat, ce premier forum de la construction en Afrique ; débouchera sur de meilleures relations Sud-Sud au niveau professionnel ?
Firdaous Oussidhoum
Les relations Sud-Sud sont au cœur de la stratégie de l’Union des architectes d’Afrique (UAA). Le conseil a mis en place une série de formations continues depuis le début de ce mandat, destinées à sensibiliser les architectes et professionnels du secteur quant à la nécessité d’exprimer les besoins et d’identifier, ensemble, des solutions possibles aux problématiques que connaît l’Afrique. Ces problématiques sont souvent communes au Sud dans le monde : le Sud asiatique, le Sud américain, sont aussi des territoires dont l’évolution est similaire. Les mêmes problèmes de fond les agitent et plus de 70% de la population vit en milieu urbain. Comment générer des espaces, un environnement de vie propice en termes de sécurité, durabilité, expression citoyenne et salubrité ?
La première session de formation continue a reçu des invités brésiliens qui ont partagé avec les architectes africains leur expérience, et nous avons mis en place une méthodologie de travail. La seconde session a expérimenté sur le terrain la méthodologie adoptée. La troisième session s’est faite sous forme de Forum pour lui donner de l’ampleur, et créer une plateforme pérenne d’échanges entre professionnels pour un même objectif : échanger des expériences Sud-Sud (cette fois-ci l’Asie était à l’honneur), mais également des solutions innovantes, des expérimentations matérielles, etc.
En tant que directrice des Relations Internationales et Externes de l’Union des Architectes d’Afrique, les relations Sud-Sud sont au cœur de la stratégie sur laquelle je travaille. Il faut identifier les problématiques, capitaliser sur les expériences et les solutions, puis mettre en place des outils et des canaux de dialogue et d’échanges. De manière concrète, nous avons travaillé sur la mise en place des partenariats stratégiques pour l’Afrique dans notre secteur. D’abord avec ONU-Habitat, dont le siège est à Nairobi (Kenya), puis avec des institutions dont les expériences sont porteuses d’ouverture et d’expériences enrichissantes pour nos confrères et concitoyens africains. L’objectif général est de démontrer que notre continent est riche de ressources humaines, créatives, innovantes, expertes et que, nous n’avons pas toujours besoin d’aller chercher l’expertise outre-mer pour répondre à nos besoins. Le meilleur exemple en est le Maroc. L’expertise formée ici ou ailleurs, atteint des standards internationaux qui nous rendent très compétitifs professionnellement à l’échelle européenne. De plus, nous avons l’avantage extrêmement important de la connaissance culturelle, autant chez nous, qu’en Afrique, où se trouvent nos racines.
Cette expertise ne peut être capitalisée et mise en valeur, sans l’identifier et la faire connaître. Le système mondialisé nous rapproche mais comporte ses propres risques. La preuve en est la crise actuelle. L’avantage de ce système réside dans le rapprochement entre peuples. Les professionnels doivent l’utiliser à leur avantage et mettre en place les bons canaux : mieux travailler, mieux échanger, mieux s’ouvrir à de nouveaux marchés et modes de travail. Tel a été l’objectif de ce premier forum.
AM : L’absence des confrères de l’Ordre national a été remarquée. Cette prise de position est-elle explicable ?
F.O.
La question est intéressante et nécessite une mise au point. L’Union des Architectes d’Afrique est composée de sections membres, que sont les ordres nationaux ou instituts d’Architectes. Il serait naturel, lorsque le Conseil de l’Union décide d’un événement, qu’il soit reçu par l’instance qui représente les architectes locaux. Un événement de l’Union peut également avoir lieu sur invitation de l’institution elle-même. Par exemple la prochaine réunion du Conseil de l’UAA aura lieu au Rwanda en Novembre sur l’invitation directe du Ministre de l’Habitat et de l’Urbanisme du pays. Cette invitation honore l’Institut des Architectes locaux.
Quant au Forum Afribat de Tanger, il a été décidé dans le cadre du Comité Vision et Stratégie de l’Union. Ensuite, une invitation des autorités marocaines l’a confirmé, au vu de son intérêt stratégique et politique. D’ailleurs leurs soutiens ont appuyé l’organisation jusqu’à la fin dès lors que le projet a été voté et validé par le Conseil.
Naturellement, le Président de l’UAA a tenu à informer le Président du Conseil National de l’Ordre du Maroc, lors de sa visite dans notre pays la première semaine de Mars. L’accueil avait été très favorable. Le président était heureux de l’appui de l’Ordre national à cet événement.
Cependant, dans le contexte des 6 derniers mois, je comprends que notre profession passe par un moment important et que ses efforts étaient concentrés ailleurs. Cela dit, une institution internationale a des contraintes à respecter : un calendrier, une stratégie définie sur tout le mandat. Son rythme n’est pas celui d’une institution nationale qui peut répondre à des urgences, des besoins politiques et contextuels. Les stratégies se jouent sur des tempos différents, bien que l’une devrait se nourrir de l’autre. Au final le travail réalisé à l’international n’est fait que pour nourrir les institutions locales et in fine, les architectes qu’elles représentent. Sinon, à quoi bon ? Il ne s’agit pas uniquement de représentativité. Spécialement pour l’institution africaine des architectes, où, de par son importance autant culturelle qu’économique, le Maroc a un rôle déterminant à jouer.
Au niveau national, notre profession vit les prémisses d’un changement important, généré par un contexte socio-économique international décisif. La dynamique est positive. Cela réveille à court terme des inquiétudes, mais ouvre des perspectives, à cadrer de manière contextuelle pour accompagner et diriger les changements. Ces perspectives sont réelles et offrent des opportunités réelles à l’Architecture avec un grand « A » et aux architectes de notre pays. Quand à l’organisation du Forum, j’étais heureuse de la mobilisation des autorités et des professionnels de la région, autant architectes qu’ingénieurs, qui ont bien compris le message, et particulièrement de membres du Conseil régional, comme la vice-présidente, le trésorier et d’autres.
AM : Quels enseignements tirez-vous pour la deuxième édition ?
F.O.
La seconde édition prendra en compte les recommandations et actions décidées dans cette première édition. L’événement a été un succès et je tiens à remercier les autorités locales, régionales et nationales, pour l’accueil qui a été réservé à l’événement, ainsi que leur appui et leur soutien à tous les niveaux.
Pour l’Union également, cette édition a été un succès puisque les objectifs ont été atteints, et ce, à plusieurs niveaux : d’abord par la mobilisation d’une quarantaine de participants originaires d’une vingtaine de pays. Au niveau scientifique, les conférences et échanges ont été de qualité et ont atteint un haut niveau de réflexion. Quant au niveau stratégique, un approfondissement des relations bilatérales et multilatérales avec des institutions internationales était recherché, ainsi que la construction de nouveaux partenariats : je peux citer en autres l’exemple de l’Université de Pékin, intéressée à mener des échanges universitaires, Chine-Afrique, avec les écoles africaines reconnues par l’Union. Il est également à noter que Afribat est un événement de la Campagne Mondiale Urbaine (WUC) de l’ONU-Habitat, dont nous sommes partenaires. A travers ce forum, l’Union continue à développer sa stratégie d’ouverture et de visibilité de l’expertise africaine et je suis heureuse que notre pays ait été le lieu d’accueil de cette dynamique positive.
Propos recueillis par Selma Zerhouni