Edito AM N°62 : INNOVEZ !
Les intervenants dans l’acte de bâtir ont conscience que la crise n’est pas uniquement économique, c’est aussi une crise d’idées issue sans doute du manque de réflexions stratégiques ou d’une incapacité à se projeter dans un futur trop incertain. Comment faire tomber les pratiques critiquées par tous ? De quelle façon changer des responsabilités trop diluées et alléger les procès de décision ? Comment accueillir les créateurs dans chacun des domaines d’intervention, sans leur couper les ailes ?
C’est pour répondre à ces questions que nous sommes allés à la rencontre du secteur de la construction innovante. À la recherche de ceux qui s’accordent à dire que les habitudes ne sont jamais définitives. Ceux pour qui il paraît évident que le fonctionnement d’aujourd’hui, ne peut plus être celui de demain. Mais aucune volonté ou dispositif d’invention commune ne se dégage. Chacun de son côté, imagine un monde meilleur par opposition aux valeurs dominantes, aux structures (encore et toujours) familiales, aux administrations (encore et toujours) bloquantes…
Le plaisir de la réflexion qui décale les angles d’analyse et modifie à terme les résultats, nous a permis de rencontrer Thom Mayne pour écouter son processus créatif, Said Bouanani pour faire l’éloge des matériaux locaux, Omar Naciri pour découvrir sa façon inédite de faire de la promotion immobilière, Zakiya Sekkat pour ses innovations industrielles, Sarah Boutata pour nous parler du récent gouvernement parallèle des jeunes. Grâce à notre enquête, nous avons dégagé quelques pistes et rencontré des personnalités, qui sont pour l’engagement dans des voies nouvelles. Pour AM, « l’imagination est plus importante que le savoir ». Chaque architecte, chaque ingénieur, chaque intervenant dans l’acte de bâtir devrait lire et relire la citation d’Albert Einstein. Pour obtenir un cadre bâti digne des ambitions marocaines, il faudrait changer de comportement, assumer ses choix et ses responsabilités, courir le risque de se tromper en empruntant des voies inédites. Il ne suffit pas de consommer ce que d’autres ont imaginé avant nous, dans un contexte donné, pour être satisfait d’un résultat non sécrété par notre imaginaire collectif. Il est temps que l’intelligence prenne sa place pour chasser le système de consommation prêt à l’emploi ou le confort du prêt à vendre (licences internationales). Autrement dit, il est temps de passer à l’esprit d’entreprise ouvert à la création de concepts originaux. Ne voit-on pas les industries, les firmes étrangères, les services prendre la place des nationaux ? Les donneurs d’ordre font confiance à ces personnes, à qualification égale ou même moindre, parce qu’elles ont entrepris la conquête de nouveaux marchés. Il ne s’agit ni de taille de programme, de surface économique, ni de manque de moyens, mais d’aptitude à la liberté d’inventer, en apportant des réponses singulières, adaptées au contexte, qui tiennent compte des volontés exprimées par le pouvoir des collectivités et de l’État.
Alors, de grâce, inventez !