CLEF VERTE, UN LABEL EN QUÊTE DE VISIBILITÉ
REPORTAGE
NICOLAS TOITOT
Depuis 2009, Nicolas Toitot accompagne au Maroc les candidats au label « Clef Verte ». Il a créé CAZECO, une structure de conseil pour tout type de projet soucieux de la qualité environnementale. Écologuae spécialisé en architecture, la construction et leurs performances environnementales (efficacité énergétique et hydraulique, matériaux à faible impact environnemental et sanitaire, qualité de l’air intérieur), il apporte une approche analytique qu’il enseigne dans les écoles d’architecture de Casablanca et Marrakech. Par extension, l’application de cette analyse écologique dans le milieu du bâti touristique se traduit, la plupart du temps, par une candidature au label Clef Verte.
Architecture du Maroc
Quelles sont les ambitions ou les objectifs du label Clef Verte ? Comment s’inscrit-il dans les actions de la Fondation Mohammed VI ?
Nicolas Toitot
« Clef Verte » (Green Key à l’international) est un label de qualité environnementale récompensant les établissements hôteliers s’impliquant dans la protection de l’environnement naturel, la préservation des ressources naturelles et surtout la sensibilisation de tout un chacun : hôtes, employés, sans oublier les futures générations.
Né au Danemark en 1994, ce label international distingue, 20 ans plus tard, plus de 2 300 hôtels, chambres et fermes d’hôtes, campings, gîtes, et ce dans 47 pays entre Europe, Afrique, Amériques, Arabie, Asie et jusqu’au Groenland !
Au Maroc, ce label s’inscrit dans la Stratégie Nationale du Tourisme Responsable et est porté par la Fondation Mohammed VI pour la protection de l’Environnement avec le soutien de l’Office National Marocain du Tourisme et du Ministère du Tourisme et de l’Artisanat.
En 2014, plus de 60 structures ont obtenu le précieux sésame. Chacune de ces structures s’inscrivant dans une démarche de réduction de son impact environnemental : économies d’eau et d’énergie, gestion des déchets, énergies renouvelables, produits d’entretien labellisés ou traditionnels, nourriture locale. Le tout agrémenté d’une communication expliquant la démarche et les actions mises en œuvre, tout en sensibilisant et impliquant clients et employés.
AM
Répond-il à une situation déjà présente ou incite-t-il à créer un autre segment des structures d’accueil au Maroc ?
NT
Pour certains lauréats, positionnés sur un respect de l’environnement et de l’humain bien avant l’arrivée du label, celui-ci ne fait que conforter et valoriser leur démarche initiale. D’autres ont trouvé dans l’accompagnement et le suivi que nous assurons depuis plusieurs années, les moyens de mettre en œuvre cette démarche étape par étape. Deux cas de figures qui cadrent avec l’engagement Clef Verte, garantissant annuellement le maintien et l’amélioration de leur performance environnementale.
AM
Quels sont les critères de sélection ? À quel cahier des charges doivent répondre les structures ? Qu’est-ce qui est privilégié : le lien avec l’environnement ou le bilan énergétique ?
NT
Si vous entendez par lien avec l’environnement, l’impact de l’activité sur celui-ci, je répondrais que le bilan énergétique n’est qu’une facette dudit impact. Thématique importante du label Clef Verte, le bilan énergétique l’est cependant tout autant que le bilan hydraulique, quantitatif comme qualitatif, le bilan déchets (limitation des emballages, tri, compostage), le bilan humain (sensibilisation, participation).
Ces bilans se déclinant par un cahier des charges composé de respectivement 58 critères obligatoires et 29 optionnels pour les petites structures, 65 et 32 pour les hôtels. Par exemple, il est demandé aux chambres d’hôtes d’équiper au moins 70% des lampes en ampoules basse consommation.
AM
De quelle aide bénéficient les « lauréats » ? Sous quelle forme se présente leur soutien ?
NT
Le fait d’être lauréat Clef Verte n’apporte aucune aide particulière, ni financière, ni technique, ni administrative. La seule aide dont ils peuvent bénéficier, c’est celle d’une structure comme Cazeco, afin d’optimiser leur engagement environnemental et d’être guidés lors de la démarche de candidature.
AM
Sous quelle forme s’effectue leur promotion au niveau national et international ?
NT
Au niveau national, aucune communication efficace n’est mise en place afin de faire la promotion de ce label auprès des hôteliers et autres acteurs du tourisme, qui est pourtant une des activités économiques majeures du Maroc. À ma petite échelle, sans moyens financiers ni temps pour effectuer ce travail de promotion, je me limite à des articles dans la presse locale et quelques passages radio.
Du point de vue de la lisibilité dans les médias papiers ou web, elle se limite encore, en tout cas pour le Maroc, au portail internet www.greenkey.org ou au site national www.cleverte.ma. Malheureusement, je n’ai toujours pas vu de partie dédiée à ce label et à ces lauréats dans un guide tel que le Routard, Lonely Planet ou autre Géo dédié au Maroc. De même, les centrales de réservations (booking…) peinent à mettre en avant les hôtels labellisés.
AM
Quel est le bilan de cette initiative ? Quelles actions devraient être lancées pour l’améliorer ?
Évaluation, amélioration de la qualité des structures, promotion et communication ?
NT
Le bilan est positif, même s’il ne l’est jamais assez à mes yeux. Mais il faut savoir reconnaître lorsqu’on fait un pas en avant, surtout si c’est dans le bon sens, aussi petit soit le pas. Quant aux limites et améliorations du label Clef Verte au Maroc, certains points méritent d’être honnêtement soulevés. À commencer par le problème des déchets. Le cahier des charges impose aux hôteliers d’effectuer un tri (souvent affublé de l’inutile adjectif « sélectif », un tri est implicitement sélectif) des déchets en leur sein. Pertinent d’un point de vue de la sensibilisation du public, cela l’est beaucoup moins au regard de l’absence d’implication des pouvoirs publiques et des sociétés privées quant à la collecte et au recyclage des déchets valorisables. Et pourtant une filière existe : celle du secteur informel. Mais celle-ci n’est pas, aujourd’hui, compatible avec la démarche Clef Verte.
Comme soulevé précédemment, l’accent doit être mis sur la promotion de cet honorable label dont les premiers critères visent à développer toute une stratégie de communication autour dudit label. L’entité représentante de ce label devrait en prendre de la graine et s’appliquer à elle-même ce cahier des charges.
Un établissement Clef Verte, à quoi ça ressemble ?
Pour illustrer ce label, nous avons choisi pour vous, non pas un lauréat moyen, mais un des projets les plus pertinents par la cohérence de l’approche globale (on peut réellement parler ici d’écologie), la qualité du produit /service qui en résulte et l’impact social exemplaire qui en émane.
Ce projet est le Jnane Tihihit, ferme d’hôtes située à quelques encablures des berges du lac Lalla Takerkoust, au Sud de arrakech. Le Jnane n’a pas de ferme que le nom, c’est une véritable ferme produisant grenades, oranges, citrons, cardons et autres fruits et légumes, sans compter les poules, canards, pintades, dindes, pigeons, lapins, vaches, moutons, chèvres et cochons. Ainsi, 90% des mets qui composent la table, du fromage (vache, chèvre) en passant par l’huile d’olive et le miel, tout est produit sur site.
Niveau performance énergétique, la solution constructive retenue assure un confort hygro-thermique toute l’année en se passant d’équipements de climatisation énergivores.
Pour atteindre ce niveau sous un tel climat, les concepteurs du projet, Carole et Robert, ont fait le choix le plus pertinent et local : la construction traditionnelle en terre crue (pisé, adobe, toiture terre-chaux, enduits au plâtre…). Le tout allié à une intégration paysagère réussie. L’éclairage est lui assuré par une armada d’ampoules basse consommation, des LED pour la plupart. L’eau chaude sanitaire est entièrement produite grâce au solaire.
La consommation d’eau est optimisée au niveau des chambres grâce à des systèmes économiques (chasses d’eau à double flux, aérateurs sur les robinets et douches). Les eaux usées sont traitées par fosses septiques alimentant un grand filtre planté de roseaux assurant leur épuration finale. Quant à l’eau de puits liée à l’activité agricole, elle est utilisée deux fois : une première en tant qu’eau de baignade au niveau du bassin surplombant la parcelle, puis en tant qu’irrigation ravitaire des plantes lorsque celle-ci est libérée chaque nuit. Un des avantages est l’absence de traitement (chlore, sel) de l’eau de piscine (puisque renouvelée chaque jour) et de gaspillage engendré par les systèmes de filtration habituels.
Le recours aux produits d’entretien écologiques fournis par la société Darlink permet de respecter qualité de l’eau et santé des usagers.
Coté sensibilisation, des ateliers dédiés aux écoliers (apprendre à faire une maison en mini adobes, à faire son pain…) et la formation continue du personnel permet de partager cette vision d’un tourisme de qualité respectueux de l’Homme et de l’environnement nous entourant.