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AM N°52 L’habitat groupé

Avec ce numéro, nous reprenons le rythme bimestriel de votre revue, interrompu pour réaliser les deux premiers tomes des Collectors de l’architecture du Maroc.

Nous avons voulu aborder les multiples facettes de l’habitat groupé car nous avons observé cette tendance dans toutes les régions pour des projets publics et privés. En focalisant le débat autour de ce thème, nous avons découvert, grâce aux différents contributeurs, que cette question révélait d’autres sujets comme celui de la fermeture à la ville et le besoin de sécurité qui va à l’encontre de la mixité urbaine. Ces lieux de vie trouvent leur origine dans le mode de vie médiéval des médinas qui nécessitait remparts et protection contre l’ennemi. On imagine difficilement que jadis, dès que les lourdes portes se refermaient le soir, on était déjà chez soi. Les habitants obtenaient de facto le droit de cité et pouvaient jouir des privilèges à condition de faire ses preuves et respecter ses lois. La mixité sociale intra-muros était préservée par la collectivité qui admettait l’individu quel que soit son niveau social. Le bien-être dans l’espace public rendait les citadins responsables de l’entretien des jardins, du bon fonctionnement des fontaines publiques, de la propreté des rues, des rivières etc. La cohésion sociale s’alimente de civisme aussi bien dans sa maison que dans sa rue, son quartier, sa ville.

Malheureusement, la ville d’aujourd’hui a perdu ses attributs : elle fait peur. Le manque de sécurité alimente l’argumentaire des promoteurs immobiliers privés qui garantissent des « havres de paix » très fermés. Les architectes recherchent dans les dernières technologies l’ingénierie nécessaire à la surveillance. On construit des citadelles et pour sortir en ville, le résident de l’habitat groupé se cloître dans sa voiture aux vitres fumées en bloquant ses portières.

Que s’est-il passé ?

Il y a trente ans, après les émeutes, l’urbanisme venait au secours du ministère de l’Intérieur pour produire des outils de planification et contrôler un territoire urbain en pleine croissance. Le mot d’ordre sécuritaire s’est traduit par une séparation des fonctions et le bannissement des lieux de rassemblement. Privilégiant la voiture et les grandes avenues, cachant derrières des murs les bidonvilles, embellissant les façades, la ville subissait des retouches cosmétiques aux dépens d’une restructuration urbaine profonde. En l’absence d’une vision de l’Etat, les moeurs se sont adaptées au cadre de vie de l’espace urbain. Vingt ans plus tard, des villes nouvelles ont vu le jour sans rien changer. Le fameux slogan « villes sans bidonvilles » a conforté la politique anti-mixité et les logements des masses défavorisées sont confiés aux promoteurs privés. L’habitat groupé est né spontanément de cette frayeur de vivre ensemble pour pallier le manque de vision. Les résidences fermées sont devenues la règle. Elles prônent l’épanouissement de la vie sociale sans altérer la sphère privée de l’individu. Elles protègent contre l’agression et manifestent la volonté d’une vie en collectivité. Sur le plan idéologique, l’habitat groupé reconduit le projet commun de s’autogérer. Il pourrait donc se traduire un jour par un habitat à vocation culturelle ou écologique, voire religieuse…

Pour les communautés homogènes qui se choisissent, se cooptent, le projet de ville inclusive n’est pas leur affaire.

Le ministère de l’Habitat et de la Politique de la ville a du pain sur la planche. Il faudra qu’il remplace d’urgence les outils d’urbanisme obsolètes et modifie la gouvernance. Qu’il communique autour d’une vision claire. Peut-être qu’alors, dans 30 ans, on pourra rentrer dans sa ville en se sentant chez soi !

Selma Zerhouni

Sommaire

BIOGRAPHIE 

ÉDITORIAL

L’habitat groupé

COUP DE COEUR

Academie de Football, absolument moderne Mayssoun Besri

CONCOURS

Le concours Young Arab Architects célèbre les marocains

DÉBAT

La politique de la ville par Nabil Benabdellah Propos recueillis par Selma Zerhouni

L’habitat groupé au Maroc et l’émergence de la copropriété Propos recueillis par Florence Michel-Guilluy

Habitat groupé Marc Gossé

L’habitat groupé et l’architecture sécuritaire Jad Bennani

Logique d’intériorité du Dar à l’habitat groupé Sabrina Favaro

Espace mieux conçu pour un vécu heureux Ibtissam Jebrane

Ghettos de riches et ghettos de pauvres Jibril Sijelmassi

100 ans d’urbanisme de Casablanca Bruno Queysannei

La forme suit la frousse Fouad Akalay

Quartiers fermés, intérêts particuliers Renaud Le Goix

Le lien perdu Propos recueillis par Selma Zerhouni

Du corps architecturant au silence du corps Abderrahim Sijelmassi

ARCHITECTURE

La vie de quartier à Nassim Selma Zerhouni

Le Parc de l’Agdal, un outil de développement urbain Florence Michel-Guilluy

Bouskoura Golf City, l’habitat groupé se déplace en forêt

Résidence Soleil, Dar Bouazza Florence Michel-Guilluy

Résidence « Azur », résidentiel individuel groupé Tamaris, Dar Bouazza Florence Michel-Guilluy

Une expérience modèle d’habitat collectif Bouchra El Fares

Un quartier urbain à Harhoura, Al Iklil Abderrahim Sijelmassi

ETUDIANTS

Les étudiants du collège Lasalle International Maroc s’expriment Mayssoun Besri

L’Ecole Nationale d’Architecture ouvre à Marrakech Abdelghani Tayyibi

Le festival de cinéma d’architecture à l’ENA – La montagne qui accouche d’une souris Selma Zerhouni

ART

Mohamed Ataâllah : le come-back Nadia Chabâa

Le dessin sort ses griffes, à l’Atelier 21 Nadia Chabâa

La troisième dimension chez Fathya Tahiri Selma Zerhouni

ENVIRONNEMENT

Conférence « Ville Nature » : de la place du paysage dans nos villes Nadia Chabâa

L’architecture écologique est-elle mûre ? Selma Zerhouni

PATRIMOINE

La Place du Sémaphore à la Qasba des Oudaïa à Rabat Imane Bennani

Sous les pavés de Casablanca … Sabrina Favaro

Journées du patrimoine 2012 : enjeux et périls Nadia Chabâa

BREVES Nadia Chabaa

PARUTIONS 

CHRONIQUE

Prestigia vend de l’architecte Selma Zerhouni