AM N°47 Paysagisme et jardins
…« les villes américaines ont compris que le plan de ville est insuffisant, s’il n’est pas complété par un programme d’ensemble et un plan spécial des espaces libres intérieurs et extérieurs pour le présent et pour l’avenir – par un système de parcs ». J-C. Nicolas Forestier, Grandes villes et système de parcs, 1906.
On pourrait croire que le paysagiste est un spécialiste de l’aménagement des jardins ; un connaisseur en matière de plantes, un bon jardinier, un horticulteur hors pair, un botaniste, collaborateur d’architecte qui aménage les abords des constructions.
Un paysagiste, c’est beaucoup plus que cela. Ce diplômé des grandes écoles de paysagisme d’Europe ou d’Amérique forcément, puisque cette formation est encore récente au Maroc, est en fait, un professionnel de l’espace public en général. Cet homme (ou femme) de l’art aide à définir la politique du paysage en amont de tout projet. Il met au service du maître d’ouvrage ses connaissances pour analyser les sites à l’échelle d’un territoire, d’un site, d’un ensemble urbanistique et architectural. Il accompagne de ses conseils l’implantation d’infrastructures, d’équipements, de nouveaux quartiers ou de villes nouvelles.
C’est dire à quel point ce technicien des espaces libres et des interstices est important pour le Maroc d’aujourd’hui, dont les cieux sont animés de grues, et qui a pour horizon des chantiers à perte de vue. En tant que médiateur entre les opérateurs politiques et les multiples intervenants des grands projets, il devrait coordonner les actions pour planifier à long terme l’aménagement de l’espace et l’évolution du paysage de demain. N’est-ce pas cela que le Maroc du début du siècle passé a eu la chance de connaître en la figure de Jean-Claude Nicolas Forestier ? Ce paysagiste du début du XX° siècle qui par son travail à Séville, Paris, Barcelone ou encore à Buenos Aires a créé des parcs et a contribué à la naissance de l’urbanisme en tant que discipline à part entière. Il fut convoqué par le Maréchal Lyautey en 1913 pour travailler sur la composition urbaine des villes impériales de Rabat, Fès, Meknès et Marrakech. Ces villes ont toutes bénéficié d’un schéma d’aménagement avec un système de parcs urbains. Mais c’est certainement à Casablanca que ce précurseur, complice d’Henri Prost, a laissé une empreinte lisible.
Que reste-t-il des parcs et jardins d’autrefois ? Quels sont par ailleurs les enseignements que l’on aurait pu tirer de cette démarche qui consiste à penser aussi bien à l’histoire du lieu, sa topographie qu’à son réseau hydraulique, son climat pour créer et gérer les nouvelles urbanisations ?
La création des agences urbaines dans les années 80, n’a pas empêché la spéculation foncière d’être l’artisan suprême de l’aménagement des villes et des territoires. Il n’est plus question dès lors de « perdre » de l’espace en jardins, parcs ou autres lieux de respiration urbaine.
La pression spéculative a conduit récemment, par exemple, à réaliser en lieu et place du vaste zoo de Témara, véritable poumon périurbain, un projet résidentiel.
Si la nouvelle zone industrielle de MedZ conçoit son projet en étroite collaboration avec une paysagiste, et que la wilaya de Meknès a lancé des études pour la création de sentiers ruraux paysagers ou que les tramways de Casablanca et de Rabat s’accompagnent de l’aménagement et de la requalification de leurs abords, cela n’empêche pas que la question de l’organisation de l’espace doit généraliser l’approche paysagère comme condition incontournable à sa réussite. Etant entendu que le paysagisme n’est pas qu’une affaire de technicien, c’est un outil qui accompagne une nécessaire vision politique, d’organisation et de gestion de la ville. Il faut la volonté politique pour asseoir cette vision qui ne soit pas asservie au dictat de la spéculation foncière comme seul mode déterminant de la production de l’espace.
Selma Zerhouni
Sommaire
BIOGRAPHIE
ÉDITORIAL
Paysagisme et jardins
COUP DE COEUR
Villa Delaporte : Quand le nouveau continue à porter l’ancien Selma Zerhouni
CONCOURS
Enveloppe gagnante
DÉBAT
Le paysagiste, mais qui est-ce ? Salima Belemkaddem
Botaniste, jardinier, urbaniste, Quelle modernité au Maroc ? Florence Michel-Guilluy
Le jardin arabo-andalou Bouthaïna Azami
Les vergers du désir – Ou la floraison du Jardin dans la littérature arabe Chahrazad Zahi
Les Pieds d’immeuble, un espace sans identité ! Salima Belemkaddem
Identités territoriales et architecture du paysage Iman Meriem Benkirane
Un trottoir sur l’océan Bernard Collet
Omar El Asri, paysagiste, fonctionnaire et passionné Sarah Zaid
Monsieur « Jardins du Maroc » Faten Safieddine
Le monde enchanté de Jean-François Fourtou Faten Safieddine
ARCHITECTURE
D’un urbanisme de l’urgence à la cité jardin Rachid Haouch
L’ancienne Arsat Moulay Abdeslam devient branchée Faten Safieddine
Ahmed Bentaher, un architecte paysagiste de talent Faten Safieddine
Les rives du Bouregreg – Le modèle d’un paysage urbain en phase avec la nature Sophia Zahi
Jorf Lasfar, un parc industriel dans un paysage de rêve ! Salima Belemkaddem
Le tramway, prétexte au projet de ville Florence Michel-Guilluy
Meknès initie une expérience d’agriculture urbaine qui fera florés Iman Meriem Benkirane
Debout les jardins ! Selma Zerhouni
Un paysagiste algérien à Berlin Kamel Louafi
MATERIAUX
20 scénographies d’éclairage pour jardins publics
COUP DE GUEULE
Hôtel Lincoln Tahar Ben Jelloun
ART
Mohamed Anzaoui Tahar Ben Jelloun – Faten Safieddine
ETUDIANTS
Les premiers architectes issus de l’EAC Selma Zerhouni
Concours d’illustration : les étudiants des beaux-arts participent au « livre des secrets perdus » Nadia Chabaa
ENVIRONNEMENT
Aménagement durable et éco-cités Pascale Fouletier
BREVES Nadia Chabaa