AM N°24 Les concours : état des lieux
Des concours pour une nouvelle génération de créateurs
Pourquoi un nouveau AM sur les concours d’architecture ?
Pour montrer, aux yeux de tous, que la mission de l’architecte ne s’arrête pas aux petits projets qu’il réalise. Qu’en tant que créateur, il devra construire avec les autres artistes, le chaînon manquant entre le passé prestigieux d’un art traditionnel reconnu, et une modernité envahissante. Grâce aux concours d’architecture, on le perçoit, une énergie nouvelle et libératrice se réveille. Nous assistons, in vivo, à la naissance d’une expression audacieuse, jeune et sans complexe et constatons que nous en accompagnons les premiers pas. Il y a à peine deux ans, nous avions publié un numéro sur les concours simplement pour militer en faveur de l’institution du concours comme alternative démocratique à l’égalité des chances dans l’accès à la commande publique. À l’époque, on reprochait aux autres acteurs du monde du bâtiment, et nous étions alors du même avis, d’être des freins à l’amélioration qualitative de l’architecture nationale. Les choses ont vite changé. Dans la table ronde des rencontres des BTP, organisée par la revue Chantiers du Maroc pendant le mois de mai 2005, ces autres praticiens du secteur – entendez entrepreneurs, bureaux d’études, promoteurs immobiliers – ont déclaré de concert qu’au contraire, c’est le manque d’implication des architectes qui portait préjudice à l’avancement du secteur de la construction.
Manque d’organisation, timides revendications, le fait que les architectes soient des « individualistes, militant chacun pour ses projets » ajoutant : « les entreprises des BTP sont parvenues à obtenir du gouvernement un contrat programme, pourquoi pas les architectes ? »
Individualiste ou pas, il n’en reste pas moins que c’est l’architecte qui est maître du jeu s’il faut que l’architecture soit novatrice et prenne le relais de représentations mythifiées devenues des archétypes. C’est pourquoi il faut encourager l’organisation des concours d’architecture. Evidemment, de petits ajustements sont à faire pour que le système de passation des marchés publics devienne un moyen de mieux organiser tout le secteur. En adoptant le concours, l’administration s’engage à veiller à la sélection de membres de jury incontestables par leur éthique et leur notoriété et à éviter le fonctionnaire incapable de prendre une décision. Elle accepte d’emblée de dédommager décemment les concurrents et de protéger juridiquement les droits d’auteur des lauréats. Elle s’adresse à des programmateurs compétents pour dresser les règlements et les procédures. Contraintes supplémentaires, mais le jeu en vaut la chandelle. Car, ce faisant, elle donne l’exemple au promoteur privé qui devra à son tour organiser des concours. De plus, elle permet la mutation de simples besoins constructifs – sièges administratifs, logements sociaux, équipements – en exercices de créativité.
Malgré des instances affaiblies et démotivées, malgré les grands projets internationaux livrés clefs en main (conception et financement compris), de nouveaux noms apparaissent qui signent des projets de valeur créative certaine. L’émergence de très jeunes talents est une occasion inestimable pour notre pays, d’autant que ceux-ci ont l’exceptionnelle chance de pouvoir réaliser de très beaux projets même s’ils sont à peine sortis de l’école. On découvrira systématiquement dans la rubrique « concours » de AM Architecture du Maroc des lauréats qui n’ont pas atteint l’âge de 35 ans.
Cependant, nous ne sommes toujours pas parvenus à dégager une tendance artistique perceptible, qui soit à l’épreuve du temps et de la géographie. Nous en sommes à peine à la phase de consignation. Certains édifices de haute facture de Hay Riad à Rabat contiennent sans doute des prémices d’exemples dont on pourrait s’enorgueillir.
Mais l’ensemble procède de cette attitude générale que notre pays développe dans d’autres domaines et qui va vers une acceptation de la modernité dans un esprit d’ouverture sur le monde. Reste qu’à partir d’une démarche endogène propre, il devrait se dégager un style, un courant, qu’on pourrait modéliser et, pourquoi pas transformer en label « made in Morocco »…Grâce aux concours.
Selma Zerhouni
Sommaire
ÉDITORIAL
Des concours pour une nouvelle génération de créateurs
ACTUALITÉS
Le rectorat de l’université Hassan II à Mohammedia
DÉBAT
Historique des concours nationaux par Ahmed A. Boucetta
« Le concours ? un révélateur de talent… » Propos recueillis par Farida Moha
Les concours au Maroc, recommandations Par Selma Zerhouni
À la recherche du professionnalisme par Salima Kaf
Règlement du concours en France par Catherine Caucheteux
Longue vie à la pratique des concours ! Propos recueillis par Selma Zerhouni
Les concours ratés par Selma Zerhouni
ARCHITECTURE
Rétrospective sur les concours
Le Musée de l’air, une première au Maroc
Extension des locaux de l’INPT
Pavillon du Maroc pour l’exposition internationale Aichi 2005 au Japon
Ksar Sghir-Ksar Majaz – Un concours d’idées pour une nouvelle ville
Salé : un concours national pour une ville harmonieuse
ART
Glissement de sens sur la place Jamaa Lefna par Selma Zerhouni
ENVIRONNEMENT ET PATRIMOINE
Sidi Shiker l’âme vive d’un haut lieu Soufi par Naïma El Khatib-Boujibar
BRÈVES