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AM N°14 Résidences-Jardins

Dernier rempart contre la ville : la résidence-jardin

 Les résidences (avec) jardins prolifèrent dans nos villes et sont faciles à identifier. Au premier plan, un long mur de clôture, souvent doublé d’une haie de verdure qui cache des parcs merveilleusement soignés, des allées miraculeusement entretenues, des parkings agrémentés de poubelles propres, des enfants qui s’ébrouent à des jeux tranquilles sous des lampadaires allumés…Ce cadre de vie n’est pas un rêve. Nous avons cherché ces exemples à Casablanca, Rabat, Agadir, Marrakech, des havres de paix, pour vous les proposer dans ce numéro. Nous avons trouvé des oeuvres saillantes, de beaux projets, expression vivante et contagieuse du besoin de regroupement de plus en plus clair.

En effet, ce phénomène démarré il y a à peine une dizaine d’années gagne du terrain. Les résidences privées deviennent une tendance à vivre en vase clos, entouré de murailles. Elle est sécrétée spontanément par des groupes sociaux aisés qui se rassemblent sous la houlette de maîtres d’ouvrage avisés qui ont anticipé ce besoin de calme et de sécurité, premiers ingrédients d’une commande de plus en plus générale. Est-ce parce que les centres urbains ont perdu leurs âmes, que ces citadins privilégient une vie intra-muros ? Est-ce par atavisme culturel, comme pour s’inspirer des médinas ?

Nous sommes en droit de nous inquiéter car ce choix est proprement anti-urbain. Il propose d’enfermer l’espace de vie, de le clôturer sérieusement contre les offensives soupçonnées de la ville. Cette forme d’habiter est l’apologie du morcellement, l’éloge de l’enclave, de l’état d’exception. Or, l’espace privatif est le privilège d’une population qui cherche à se protéger et qui se sent agressée. Il exclut le passant. Si on laisse faire, nos villes se « désurbaniseront » et l’effet sera redoutable. Cette anomalie constitue la preuve que le développement naturel dans la mixité sociale est raté. Les résidences-jardins marocaines auraient pu s’inspirer des cités-jardins, grandes soeurs européennes du 19ième siècle. Elles auraient pu emprunter une partie du concept à cet urbanisme utopique que sous-tendait une idéologie de visionnaire. Lorsqu’en 1856 la belle cité-jardin de Vésinet, construite par l’architecte Olive, a vu le jour, elle répondait au besoin similaire d’une population aisée qui cherchait à se protéger contre les concentrations urbaines surpeuplées et enfumées. Les villes étaient devenues de véritables cauchemars, dont l’insalubrité était à la fois physique et psychique. Les idées des urbanistes proposaient alors des alternatives défendues à coup d’articles et d’altercations publiques.

Alors que nous, nous avons cumulé plus vingt ans de silence. Pourtant, les grands experts consultés pour planifier l’aménagement des grandes villes du Royaume ont fait choux-blanc de façon spectaculaire. L’idéologique sécuritaire de l’époque a été l’alibi pour placer la voiture au centre du développement et répartir la ville en zonage. La réclusion volontaire des citadins d’aujourd’hui est une des conséquences. Les architectes devront tôt ou tard jouer leur rôle de théoriciens, d’idéologues et tirer la sonnette d’alarme pour défendre la ville contre les spéculateurs et les politiques court-termistes. Ils ne peuvent plus continuer à courber l’échine devant la commande et le rigorisme réglementaire. Et s’ils prenaient d’assaut les médias pour partager leurs visions sur la ville à vivre , au lieu de s’attaquer aux objectifs de fabrication urbaine fixés en termes de chiffres ?

Selma Zerhouni

Sommaire

 ÉDITORIAL

Dernier rempart contre la ville : la résidence-jardin

 ACTUALITÉS

Kacimi n’est plus Témoignage de Chafika Sekkat, de Farid Zahi et de Dounia Benqassem

Questionner le fait architectural par Mostafa Chebbak

Méfiez-vous du patrimoine qui dort… par Layla Skali

Mail Central – Hay Mohammadi – Agadir par Jennie Kribeche Youcef-Ali

 DÉBAT

Ilots intégrés, une solution pour la ville de demain propos recueillis par Selma zerhouni

Mutation en cours… par Rachid et Khalid Bohsina

Optez : Sidi Maâroud ou cité-jardin ? par Layla Skali et Khaddouj Zerhouani

L’habitat collectif, l’urbanité verticale par Abdelhadi Benchafai

Exil minéral et nostalgie du jardin par Mostafa Chebbak

Les carences du droit de copropriété au Maroc par Fatiha Ibrahimi

 ARCHITECTURE

La résidence Macha Allah à Rabat – La tradition revisitée par Nadia Jebrou

La résidence Beni Znassen à Rabat – Abderrahim Sijelmassi traque l’harmonie dans l’espace par Khaddouj Zerhouani

La résidence Chefchaouni à Casablanca – Un îlot urbain d’exception par Khalid et Rachid Bohsina

 La résidence Al Mawlid X à Casablanca – Entrée de la métropole par Ito Dias

 La résidence Warda à Marrakech – Un pari bien réussi par Jennie Kribeche Youcef-Ali

 La résidence Oasis à Agadir – Une péréquation réussie par Mohamed Nadim

ART

Affinités , une exposition chargée de messages par Khaddouj Zerhouani

ENVIRONNEMENT

 AMRASH ou l’âme de la montagne par Bouchra Lahbabi

ESPACE ÉTUDIANT

 Aménagement d’un espace vert pour le centre de Bouznika par l’ENA

BRÈVES

CHRONIQUE

 Obsèques de Mostafa Nissabouri