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PYXEL – ELOGE DE LA CHAUX

Les liants actuellement disponibles à travers le monde permettent de garantir la solidité et la pérennité des ouvrages en agglomérant de façon durable les différents éléments, soit dans le domaine de la construction ou celui de l’aménagement.

Parmi ces liants certains sont récents comme le ciment, les résines etc. ; d’autres sont millénaires : bitume, argiles, plâtre, chaux…

Four à chaux

Four à chaux

La chaux (en arabe : AL JIR) (CaOH2 ou hydroxyde de calcium, est un liant millénaire issu de la simple calcination (cuisson) de roches calcaires (CaCO3), à ne pas confondre avec le plâtre (sulfate de calcium). Elle a été utilisée par l’homme pour toutes sortes de réalisations à travers le monde, son apogée étant atteinte du temps des Romains qui ont su en tirer un profit exceptionnel, dont témoignent des ouvrages tels que le Capitole, le Colisée et autres aqueducs et thermes. Également en Espagne et au Maroc al Hamra, la Koutoubia, la Menara, Chellah… n’auraient pu exister sans la chaux.

Cycle de la chaux

Cycle de la chaux

A quoi sert la chaux ?

La chaux est un liant, dont les usages sont multiples et bénéfiques : elle est indispensable et irremplaçable dans beaucoup de domaines parmi lesquels :

• Patrimoine bâti (impossibilité d’intervention sans usage et maîtrise de la chaux)

• Les bétons : béton de chaux, dallages, dess, pisé stabilisé, etc.

• Les étanchéités (enduits étanches type tadelakt, chaux pouzzolanées, chaux adjuvantées …

• Les enduits : immense choix pour enduits intérieurs et extérieurs.

• Traitement du bois.

• Les peintures : chaux grasse vieillie (stucco, marmorino), badigeons…

• Le collage des revêtements : terres cuites, zelliges, pierre, marbres…

L’isolation : bon isolant thermique, très compatible avec le liège, la pouzzolane…

• Le traitement de l’eau : l’alcalinité de la chaux (PH élevé) permet de neutraliser les bactéries

• L’industrie du papier

• L’industrie de l’acier

• L’industrie du sucre

• La voirie et ouvrages d’art (stabilisation des terres argileuses)

• Traitement antibactérien des plantes

Constat problématique

Suite à la révolution industrielle du XIXèmesiècle et surtout à la reconstruction massive de l’Europe après la guerre mondiale, le ciment a été privilégié et systématisé en tant que liant principal et ce jusqu’aux années quatre-vingt en Europe et encore aujourd’hui dans la quasi-totalité des pays émergents. Cette systématisation a mis en évidence les limites du ciment comme liant : certains ouvrages et corps d’états utilisant traditionnellement la chaux (techniques artisanales) ont subi des dégradations inattendues résultant de l’usage de ciment.

Mosquée de la Koutoubia

Mosquée de la Koutoubia

Les avantages du ciment (étanchéité, prise rapide, dureté) se révèlent être des inconvénients pour certains ouvrages tels que les enduits, l’isolation, les revêtements poreux (zellige, marbre), les constructions en terre et pierre etc. qui ont besoin au contraire des qualités de la chaux (perméabilité à la vapeur d’eau, souplesse, résistance compatible…).

Cette systématisation a conduit en peu de temps à la disparition presque totale de la chaux de la panoplie des liants disponibles sur les marchés, ainsi que des savoir-faire et des métiers traditionnels qui lui sont liés. Depuis les années quatre-vingt, cet usage a repris en Europe grâce aux chantiers du patrimoine et au Maroc grâce notamment à la réapparition à Marrakech d’une des techniques marocaine d’enduit traditionnel, le Tadelakt, maintenant mondialement reconnu et utilisé, au point que de grandes marques de peinture fabriquent des produit chimiques plus chers pour la concurrencer…

Aqueduc Moulay Idriss

Aqueduc Moulay Idriss

La restauration du patrimoine bâti au Maroc rencontre beaucoup d’obstacles qui viennent entraver l’intégrité de l’intervention sur ce patrimoine. Ces obstacles sont souvent d’ordre technique. En effet le maître d’œuvre, faute de base de données disponible ou de connaissance des liants traditionnels, notamment de la chaux, se retrouve à privilégier le ciment comme solution de rechange pour exécuter des ouvrages tels que les enduits, les dallages et dalles de compression, les mortiers de hourdages et de collage de revêtements comme le zellige par exemple, emblèmes d’un artisanat marocain pour lequel la chaux n’est plus du tout utilisée ! 

Réagissons !

Les praticiens de la construction en général, plus spécialement ceux usant de matériaux naturels, et ceux de la restauration du patrimoine se trouvent cruellement confrontés à un vide total concernant la chaux et ses utilisations, pourtant essentielles. Une prise de conscience des pouvoirs publics et des acteurs concernés : écoles d’architectures, écoles d’ingénieurs, universités, agences de développement urbain et rural est indispensable, ainsi que de la part des ministères de l’Habitat, de l’Equipement, de l’Artisanat, de la Culture et des Habous sont directement concernés par l’usage de la chaux et son développement.

Ceci est un appel à manifestation d’intérêt adressé à tous ceux et celles qui veulent et peuvent contribuer directement ou indirectement à développer les utilisations de la chaux au Maroc (en créant par exemple : un observatoire des métiers de la chaux ) et éventuellement en synergie avec les pays du Maghreb et du bassin méditerranéen, qui ont depuis toujours échangé de gré ou de force leurs recettes constructives…

La réutilisation maîtrisée de ce liant millénaire permettrait de redonner à l’artisanat, aux artisans et aux maîtres d’œuvres marocains une vigueur nouvelle et une authenticité sous-tendue par l’utilisation d’un matériau hautement chargé de symbolisme : ( le rapport des artisans marocain à la chaux est actuellement mythique car méconnu ). 

Oussama Moukmir – Ingénieur directeur gérant

de Novater Ingénierie