Plaidoierie pour un plan lumière urbain économe, durable et fiable.
L’éclairage public, hormis les coûts des équipements, d’entretien, de pièces de rechanges et de main d’œuvre, engendre annuellement une moyenne de 70 000 000.00 DH en facture d’électricité pour une ville de 50 000 à 60 000 points lumineux.
Or, chaque PDU (plan de développement urbain, devrait s’accompagner d’un SDAL (Shema directeur d’aménagement Lumière). Ce n’est pas la première fois que la revue AM accueille ce réquisitoire de Mourad Nquibat.
L’énergie est actuellement au cœur de nombreuses problématiques mondiales et locales en termes d’approvisionnement, d’efficacité et de pollution.
Le Maroc, conscient que l’électricité n’est pas une énergie inépuisable, a réussi ses choix stratégiques et a arrêté ses objectifs prioritaires : l’efficience énergétique, l’énergie verte et le développement durable. Il est de la responsabilité économique et environnementale des usagers d’utiliser cette énergie de façon optimum et c’est le rôle de l’Etat, des pouvoirs publics et particulièrement des collectivités locales de montrer l’exemple.
Les enjeux
1. Une urbanisation en constante augmentation :
Depuis le XIXe siècle, le phénomène d’urbanisation ne cesse de croitre dans le monde entier. Les villes attirent les populations et différentes activités. Cette urbanisation a d’abord débuté en Europe et aux Etats-Unis, puis atteint les pays émergents tels que la Chine, l’Inde, le Brésil ou la Turquie. L’ensemble de l’humanité tend vers ce modèle et l’on estime qu’à terme 80% de la population sera urbaine. La croissance des villes engendre des besoins variés en infrastructures dans le but d’assurer la libre circulation des personnes dans la ville.
2. La sécurité nocturne pour tous :
C’est un besoin et une nécessité pour tous les citadins, qu’ils soient motorisés ou à pied. Visualiser son environnement proche donne un sentiment de sécurité. La recrudescence des phénomènes de délinquance et d’agression au cœur des villes ne fait qu’augmenter ce besoin de lumière pour les usagers. L’éclairage public est devenu un enjeu de gouvernance.
3. Une nouvelle image nocturne de la ville :
L’éclairage public et l’illumination architecturale, au-delà de leur rôle élémentaire de sécurité, donnent des villes une image nocturne différente de l’image diurne. L’architecture – patrimoine historique ou bâtiments privés – peut être mise en valeur de manière artistique en jouant sur les effets de lumières, de manière temporaire (évènementiel) ou sur le long-terme.
4. Mais l’éclairage public génère des pollutions :
L’inconvénient principal de l’éclairage public total est la consommation électrique qui peut significativement peser sur les charges des villes. Dans un contexte de lutte contre le réchauffement climatique, jusqu’où peut-on pousser les doctrines lumière?
L’éclairage public génère aussi une forte pollution lumineuse de l’environnement proche: les écosystèmes s’en trouvent perturbés, ainsi que la vie des individus subissant cette constante pollution lumineuse à l’intérieur de leurs espaces privés. Toute cette lumière perdue dans le ciel est de l’énergie consommée inutilement.
L’éclairage public est un service qui doit être au cœur de la politique de la ville.
Mais il représente aussi un réel casse-tête pour les collectivités qui doivent répondre à une demande toujours plus grande de qualité et de sécurité malgré des cadres budgétaires tout aussi contraignants.
La mise sur le marché de nouveaux systèmes d’éclairage et de nouvelles technologies d’exploitation ne sont pas pour autant source de simplification. C’est pourquoi un plan lumière pour une collectivité locale est avant tout une réflexion d’ordre POLITIQUE de la ville, sur les finalités recherchées et les contraintes à prendre en compte. Quelle que soit la solution Eclairage arrêtée, elle est le résultat de données complexes à concilier.
La durée de vie moyenne d’une installation d’éclairage public est de 20 ans, toute Plan lumière, ou décision à prendre dans ce secteur doit, avec l’assistance des professionnels du métier, être réfléchie et projetée sur le long terme, intégrant le concept optimal, la technologie des équipements adéquate en terme de fiabilité et de rendement, la maitrise des charges de l’exploitation et les ultérieurs répercussions sur l’environnement.
En réalité c’est une double réflexion qu’il s’agit de mener au moment de la conception du PDU (LE PLAN DE DEVELOPPEMENT URBAIN) de la ville, en intégrant le matériau lumière. Une telle démarche est connue sous le nom du SDAL (le SCHEMA DIRECTEUR D’AMENAGEMENT LUMIERE)
Le SDAL qui est le 1° document par excellence, en matière de planification de l’éclairage d’une ville. Il joue un rôle central dans tout projet lumière. Il doit être considéré comme le cadre dans lequel viennent s’enchâsser tous les éléments variés qui sont requis pour créer l’environnement lumineux de la ville dans son entier.
Par conséquent, des initiatives individuelles non coordonnées peuvent à cet égard avoir un effet contreproductif. Une ville bien éclairée est une ville qui est éclairée juste. Ayant comme fin un projet :
• durable et fiable le long de son exploitation (20 ans),
• ses charges financières raisonnables et maitrisables,
• qui réussit pleinement ses missions à l’égard de la ville.
Le SDAL est une feuille de route qui doit être utilisée par les différentes générations qui se succèdent aux postes de décision de la ville. Sa mise à niveau doit être faite en moyenne chaque décennie. Il accompagne le PDU de la ville dans le court, le moyen et le long terme, facilitera la localisation des failles et des manquements. Il offre une meilleure hiérarchisation des priorités et une anticipation dans les dépenses à budgéter chaque année.
Il fournit des propositions établies sur la base de critères pertinents, qu’ils soient d’ordre historique, urbanistique, socio-économique, architectural, technique ou financier. La finalité du document est d’améliorer la qualité de l’éclairage public, dans le respect des recommandations en vigueur et la maitrise des coûts financiers.
C’est ainsi que la lumière exprime l’identité urbaine, au sens large du terme : elle procure en effet une lecture réitérée de l’espace, illustre des perspectives harmonieuses et des détails originaux. Aujourd’hui, au-delà du fait qu’elle rend l’espace urbain attractif et sécurisé, elle apporte les atouts pour démontrer qu’elle est l’un des principaux acteurs dans l’économie et le développement durable de la ville,
• D’une part par le contrôle des coûts d’exploitation grâce à la baisse la facture d’électricité, la généralisation de la maintenance préventive et la réduction au maximum de la maintenance corrective.
• Et d’autre part, en modifiant la perception sur la ville aussi bien des investisseurs porteurs de projets que des touristes pour qui le cadre de vie et la sécurité sont déterminants dans le choix de leurs destinations.
Mourad Nqibat – Directeur général C M N – Agence de concepteurs éclairagistes