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L’Institut National des Beaux-Arts de Tétouan, berceau des créateurs

Bouabid Bouzaid  Artiste peintre Directeur du Musée d’art contemporain de Tétouan

Bouabid Bouzaid
Artiste peintre
Directeur du Musée d’art contemporain de Tétouan

L’Institut National des Beaux-Arts de Tétouan, anciennement « Ecole Nationale des Beaux-Arts » peut se targuer depuis son ouverture en 1945, d’avoir formé des promotions d’artistes marocains, qui constituent pour la plupart une élite artistique qui se distingue tant par ses compétences techniques que par son inventivité. L’Ecole des Beaux-Arts est indissociable du nom de son fondateur : l’artiste espagnol Don Mariano Bertucci, dont elle constitue la plus importante réalisation.

L'Institut National des Beaux-Arts de Tétouan.

L’Institut National des Beaux-Arts de Tétouan.

On ne peut parler du Nord marocain sans évoquer l’Ecole des Beaux-Arts de Tétouan et son impact sur le développement de la créativité au niveau national. Fondée par l’artiste peintre andalou Don Mariano Bertucci, elle a été inaugurée le 12 décembre 1945 à Tétouan et avait pour but d’encourager la création artistique dans la région khalifienne, en offrant aux étudiants espagnols et marocains la possibilité d’affiner leurs compétences et leurs dons artistiques. Cette formation spécialisée, qui leur permettait de s’initier aux techniques de l’expression plastique, leur ouvrait également la voie vers la poursuite de leurs études supérieures au sein des facultés et des universités espagnoles.

Après une expérience réussie d’un an, l’Ecole préparatoire des Beaux-Arts a été reconnue officiellement le 27 novembre 1946, par un dahir chérifien. Le programme comportait alors quatre matières : le dessin antique, l’histoire de l’art, la peinture et la sculpture.

Réservée à ses débuts aux étudiants espagnols et à certains étudiants juifs marocains, ce n’est qu’à la fin des années quarante, que l’école accueillera des étudiants musulmans.

L'Institut National des Beaux-Arts de Tétouan.

L’Institut National des Beaux-Arts de Tétouan.

Les diplômés de l’Ecole des Beaux-Arts de Tétouan appartiennent à trois générations, suivant l’évolution de l’ecole. La première génération a été formée de 1945 à 1956 lorsque l’établissement portait le nom d’Ecole préparatoire des Beaux-Arts de Tétouan. La deuxième génération appartient à la période post-indépendance et a été formée entre 1957 et 1993. L’établissement était alors nommé Ecole Nationale des Beaux-Arts de Tétouan. La troisième génération appartient à l’institut National des Beaux-Arts, et comprend les promotions formées de 1993 à nos jours. Cette nouvelle appellation a conféré un autre statut à l’établissement qui a été hissé au niveau de celui d’une université.

Don Mariano Bertucci (au centre) entouré de ses étudiants, 1951

Don Mariano Bertucci (au centre) entouré de ses étudiants, 1951

C’est après l’indépendance du Maroc que l’Ecole a déménagé dans ses nouveaux locaux, inaugurés par feu Mohammed V en 1957, sous l’appellation Ecole Nationale des Beaux-Arts. A cette époque, son directeur n’était nul autre que l’artiste-peintre Mohammed Serghini. Entouré par une équipe de professeurs marocains diplômés des écoles supérieures espagnoles, c’est à eux que revient le mérite de la marocanisation de l’école et l’ancrage de son identité marocaine. De nombreux lauréats de l’école, peintres, sculpteurs ou designers appartenant à cette génération ont eu l’opportunité de parfaire leur formation au sein d’écoles et d’académies européennes. Ils ont ainsi pu développer la création plastique au Maroc et enrichir son expérience récente avec de nouvelles idées et techniques. Ce qui a permis à l’art marocain des années soixante-dix et quatre -vingt de jouir d’une aura certaine dans le contexte arabo-africain comme à l’international.

Etudiants de l'Ecole Nationale des Beaux-Arts de Tétouan en 1969

Etudiants de l’Ecole Nationale des Beaux-Arts de Tétouan en 1969

La troisième génération des créateurs issus de l’école de Tétouan a été formée pendant les années quatre-vingt-dix avec la création de l’Institut National des Beaux-Arts de Tétouan, en vertu du décret ministériel n° 2-93-135 du 29 avril 1993. L’institut s’est vu ainsi par ce décret confier la formation de cadres supérieurs dans le domaine des Arts plastiques et des Arts appliqués, en quatre années d’études. Ce changement de cap était nécessaire pour doter l’établissement d’un statut universitaire et lui permettre ainsi de mieux répondre aux exigences d’une société en mutation, à la recherche de profils pointus, qualifiés tant sur le plan conceptuel que sur le plan technique.

Etudiants de l'Ecole Nationale des Beaux-Arts de Tétouan en 1987

Etudiants de l’Ecole Nationale des Beaux-Arts de Tétouan en 1987

L’établissement souhaitait aussi mieux s’ouvrir aux étudiants marocains et étrangers, en accueillant des profils s’orientant vers une formation de cadre supérieur. A cette fin, les programmes, les méthodes d’enseignement et d’orientation ont été modernisés et rationalisés pour augmenter la productivité des étudiants et leurs habiletés professionnelles. Le but étant de favoriser leur intégration future dans l’environnement créatif et scientifique du pays. 

Dès lors, la formation à l’Institut National des Beaux-Arts de Tétouan (INBA) s’est orientée principalement vers l’ouverture à de nouveaux horizons en matière de pédagogie, d’encadrement et de progrès artistique. Des partenariats et des conventions de coopération et d’échange ont donc été signés avec des instituts, des centres de formations et des associations, au Maroc et à l’international. L’institut a ainsi participé au développement artistique, social et économique du pays en formant des cadres actifs, capables de faire avancer la création marocaine dans ses aspects esthétique, économique et culturel.

L'artiste peintre Bouabid Bouzaïd entouré de ses étudiants, 2010

L’artiste peintre Bouabid Bouzaïd entouré de ses étudiants, 2010

Ces lauréats, sans renoncer aux piliers de leur identité marocaine, sont attirés par des expériences artistiques contemporaines, inspirées des nouveautés les plus récentes, grâce à la profusion d’outils de communication, qui facilitent les échanges à l’échelle planétaire. Cela donne lieu à des expérimentations profondément conceptuelles, qui mettent en œuvre des matériaux puisés pour la plupart, dans notre patrimoine culturel et dans la vie quotidienne des habitants. 

La création plastique au nord du Maroc, que certains nomment « Ecole de Tétouan », demeure profondément attachée à son école des Beaux-Arts. Les lauréats des trois générations ont été influencés par leurs professeurs, les programmes et les méthodes d’enseignement, lesquelles ont évolué en se mettant au diapason des dernières nouveautés sur le plan international.

Malgré des expériences différentes, les artistes issus de l’école de Tétouan sont connus et reconnus sur la scène artistique marocaine pour leur expression particulière. Soixante huit années d’enseignement artistique ont été nécessaires à un tel aboutissement.

Aujourd’hui, l’école artistique de Tétouan est considérée comme un phénomène social, culturel et artistique d’envergure, et cela grâce à sa démarche authentique, qui consiste à puiser dans le patrimoine marocco-andalou tout en s’ouvrant à la contemporanéité. Ses artistes se reconnaissent à leurs solides compétences techniques, mais aussi à leur amour du blanc, couleur qui leur rappelle sans doute leur ville natale. 

Bouabid Bouzaid