HMONP : pour quoi faire ?
Où va l’enseignement de l’architecture ?
La réforme qui a imposé la HMONP en France depuis 7 ans oblige à une formation en un an, postérieure au diplôme d’Etat délivré par les écoles et consacrant la réussite au mastère. Pour l’expert Jean-Michel Coget, le bilan est plutôt négatif. Il suggère aux écoles marocaines d’envisager une réforme de l’enseignement les dotant de tous les outils contemporains d’exercice de la maîtrise d’œuvre. Ceci éviterait le chemin de croix que ces jeunes architectes marocains subissent avant de rentrer chez eux.
L’«habilitation à exercer la maîtrise d’œuvre en son nom propre» (HMONP) concrétise la plus ambitieuse réforme de l’enseignement de l’architecture intervenue en France depuis la scission avec l’Ecole Nationale des Beaux Arts après mai 1968.
La nouvelle appellation, HMONP, qui a succédé en 2007 au prestigieux mais vague DPLG, conforte l’autorité de l’architecte. Celui-ci est explicitement instauré, aux yeux du public et des maîtres d’ouvrage, comme garant en son nom propre de tous les partages et délégations de responsabilités dans l’exercice de la maîtrise d’œuvre et la réalisation des travaux.
Cette réforme impose une formation en un an, postérieure au diplôme d’Etat délivré par les écoles et consacrant la réussite au Mastère. Cette formation, doublement encadrée, associe une immersion professionnelle dans une structure exerçant la maîtrise d’œuvre (la mise en situation professionnelle ou MSP) et le suivi d’enseignements délivrés dans l’école d’accueil.
Après cinq années d’expérimentation, cette réforme est perçue comme un succès : 80% des candidats réussissent devant des jurys où l’Ordre régional et deux écoles sont représentés.
Toutefois, selon une étude commanditée par le CNOA, 70% des tuteurs estimeraient que l’architecte HMONP n’est pas prêt à exercer la maîtrise d’œuvre et à créer son agence.
Au vu des résultats de cette étude et d’une pratique de jurys à l’ENSAPLV et l’ENSAP de Lille, des progrès et des ajustements paraissent nécessaires.
La durée : prévue pour six mois, la MSP paraît courte au regard de la durée effective des projets. Plus grave, les 150 heures d’enseignement paraissent insuffisantes face aux responsabilités d’un maître d’œuvre impliquées par les réglementations, normes et autres certifications d’origine française, européenne et anglo-saxonne, par la complexité de l’économie du projet et des négociations avec les partenaires du projet et enfin par la création et la gestion de l’entreprise d’architecture dans le respect de la déontologie.
Les moyens informatiques : la quasi- totalité des agences – tout comme les écoles françaises – sont très insuffisamment équipées en moyens informatiques, ce qui les contraint à d’onéreuses sous-traitances, très coûteuses en temps : de nos jours, l’exercice effectif de la maîtrise d’œuvre requiert l’imagerie numérique, le dessin assisté par ordinateur, mais aussi des systèmes d’analyse numérique des comportements mécanique, thermique et acoustique des ouvrages, des systèmes d’étude de la formation des coûts, de planification et de suivi de travaux, l’accès à des bases de données économiques, techniques et juridiques ou jurisprudentielles et enfin des systèmes d’archivage numérique, de comptabilité et de gestion.
La dimension internationale : en France, les agences traversent une grave crise économique et peinent à accueillir les postulants. De nombreux étudiants souhaitent effectuer leur MSP hors de France. Mais, l’organisation des cours dans les écoles françaises les oblige à des allers-retours onéreux.
Au regard de ce bilan, les écoles d’architecture marocaines peuvent chercher à établir une convention avec une homologue française pour organiser les 150 heures de cours spécifiques.
Le Royaume du Maroc peut aussi, au regard de la jeunesse des écoles marocaines, du dynamisme de son économie, envisager une réforme de son enseignement de l’architecture à la fois plus ambitieuse et plus réaliste, dotant notamment les écoles marocaines de tous les outils contemporains d’exercice de la maîtrise d’œuvre.
Jean-Michel Coget