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Les nouvelles techniques de conception

Younes Diouri Architecte, directeur de publication du magazine  d'architecture en ligne aMush

Younes Diouri
Architecte, directeur de publication du magazine
d’architecture en ligne aMush

Conception paramétrique, géométries complexes et construction assistée par robots sont aujourd’hui en train de marquer le début d’une ère nouvelle dans la production architecturale. La puissance de l’outil technologique et sa diffusion a créé un engouement pour la prouesse géométrique et une fascination pour les effets architectoniques.  

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Projets étudiants - Microsites Workshop - Rome Visiting - AA School

Projets étudiants – Microsites Workshop – Rome Visiting – AA School

Pensée à l’origine pour l’industrie aéronautique et automobile, la modélisation paramétrique fait, depuis quelques années, l’objet d’une appropriation dans le domaine de l’architecture avec  l’édification de nombreux bâtiments aux formes « complexes ».

Ces techniques semblent avoir permis aux architectes de se libérer des formes traditionnelles et des contraintes de la standardisation, mais aussi d’explorer des formes sophistiquées jusque-là difficiles d’accès.

Dans quelle mesure la modélisation paramétrique assiste-t-elle la conception architecturale ? Comment l’architecte utilise-t-il ces techniques?

Logiciel Grasshopper - Rhinoceros 3D - Définition parametrique

Logiciel Grasshopper – Rhinoceros 3D – Définition parametrique

F. Barkow & R. Leibinger - Marrakech - Biennale 2012

F. Barkow & R. Leibinger – Marrakech – Biennale 2012

La modélisation paramétrique vise à l’élaboration d’un modèle calibrable en fonction de données définies au départ. La particularité de ce mode de conception réside dans le fait que l’objet modélisé n’est pas un objet unique, mais la potentialité d’une famille d’objets définis par des facteurs divers : contraintes géométriques, numériques ou positionnelles etc. Cette façon synoptique de concevoir un modèle permet un perfectionnement des espaces générés grâce à la multiplicité des choix qui s’offrent alors à l’architecte dans une totale maîtrise des paramètres ingérés.

Random International - Lumiblade Interactive Wall - 2008

Random International – Lumiblade Interactive Wall – 2008

Quantum - Saint Gobain - Verre sonore intelligent

Quantum – Saint Gobain – Verre sonore intelligent

A partir de là, le champ des possibles s’élargit et offre des opportunités inexplorées. Dans un contexte tel que le Maroc où le paradigme de la matière et du travail est inversé par rapport à d’autres aires (main d’œuvre bon marché, la matière coûtant cher) la dimension high-tech de la conception couplée à une mise en œuvre low-tech ouvre de nouvelles potentialités. La maîtrise de l’espace à travers les logiciels permet d’intégrer l’approche empirique de sa réalisation comme un paramètre assumé et mesuré.

L’outil informatique ne permet pas seulement la maîtrise de la forme géométrique, aujourd’hui d’ores et déjà saturée de symboles, de narrations et de systématismes, il permet aussi de sonder d’autres paramètres inhérents à l’espace conçu, au-delà de la quête formelle, celle de l’immatérialité. Dès lors, la lumière, la température, l’humidité, le son, tout devient élément de composition dans un système intégral.  Penser l’espace en termes de design thermique, physiologique ou bioclimatique, est un champ nouveau des modes de conception qui sont à présent accessibles. Ce glissement des préoccupations du visible vers l’invisible est aujourd’hui possible grâce au développement formidable des sciences de la vie. Cette intersection entre le matériel et l’immatériel dans les nouveaux modes de conception mène vers une meilleure compréhension de l’environnement naturel dans sa globalité.

Aranda Lasch. Rules of Six, Installation au MoMA, New York, 2008

Aranda Lasch. Rules of Six, Installation au MoMA, New York, 2008

Eden Project - Norman Foster

Eden Project – Norman Foster

A l’heure où l’environnemental devient une préoccupation majeure, les architectes questionnent de plus en plus la nature pour en extraire les conditions de leurs performances. Ce courant baptisé bio-mimétisme s’incarne dans d’étonnants édifices qui cherchent à interagir avec l’environnement extérieur à différents rapports.

Notre conception de la technologie s’est toujours fondée sur un antagonisme avec la nature. Les schémas fonctionnels du monde naturel ont toujours servi à la conception architecturale et dans ses récentes évolutions. Que ce soit pour s’en imprégner ou au contraire s’en détacher.

Si les avancées technologiques constituent un progrès certain pour l’avenir de la profession, il est aujourd’hui essentiel d’engager la nature dans le processus de création. Cet équilibre entre forces techniques et biologiques qui a constitué l’essor de notre environnement naturel, suppose aujourd’hui une opportunité de recherche, en particulier pour les matériaux de construction.  Le défi de demain est sans doute dans la performance matérielle, vers un  système intégral, impliquant la coordination  du  matériau avec son milieu. Il sera alors   possible   de   développer   des   modèles  qui   intègrent les besoins  biologiques, alliant l’architecture avec son essence propre, le matériau.

C’est à travers la matière que réside le potentiel de notre environnement bâti à transcender sa condition, vers un système capable d’autonomie et d’évolution. Cette vision à travers toutes ces échelles, du visible au microscopique, engage des enjeux nouveaux vers un rôle encore plus large de l’architecte.

Younes Diouri