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Le SDAU, une vision nouvelle pour le développement de Casablanca

Victor Said Chef du projet du SDAU de la Région du Grand Casablanca Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région Île-de-France

Victor Said
Chef du projet du SDAU de la Région du Grand Casablanca
Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région Île-de-France

Dans une interview exclusive accordée à AM, VIctor Saîd, chef du projet  de SDAU, dévoile les grands principes qui ont guidé son élaboration. Celui-ci n’intéresse pas seulement le Grand Casablanca mais aussi son environnement immédiat. La réflexion qui sous-tend ce projet débouche aujourd’hui sur un véritable programme de gouvernement englobant tous les aspects du développement de la Ville : urbanistique, économique, écologique et culturel. Un rêve de cité idéale en somme. 

Architecture du Maroc 

Quelle est l’implication de l’IAU-IDF dans l’élaboration du SDAU de Casablanca? Depuis quand? Comment? Quels sont vos partenaires marocains ?

Victor Said

Fin 2003, à la demande de l’Agence Urbaine de Casablanca, l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région Île-de-France (IAURIF, devenu depuis 2008 IAU-ÎdF), a été sollicité dans le cadre de la coopération franco-marocaine dans les domaines de l’aménagement et de l’urbanisme, pour effectuer début 2004 une première mission d’identification des problématiques de l’aménagement et du développement de Casablanca et de sa Région.

La demande d’expertise consistait à proposer des démarches innovantes en termes de planification stratégique et de développement durable pour répondre à la fois aux attentes et aspirations de la population, des élus et des décideurs, mais aussi pour évaluer les défis et les enjeux de Casablanca dans l’objectif de construire, d’une façon collégiale, une vision prospective du développement afin de hisser la capitale économique du Royaume au rang des grandes métropoles mondiales.

L’appel à l’IAURIF était motivé par le fait que cette institution est une fondation d’utilité publique maîtrisant la planification et le développement stratégique à toutes les échelles de l’aménagement grâce à des équipes pluridisciplinaires expérimentées au niveau international depuis plus de quarante ans. En plus,  le contexte et la culture urbanistique du Maroc  sont bien connus par l’Institut.

En 2005 nous avons entamé avec l’Agence Urbaine de Casablanca (AUC) deux grands chantiers : l’élaboration du Schéma de Références Stratégique du littoral de Casablanca et le Plan de Développement Stratégique de la Région du Grand Casablanca et sa traduction spatiale et réglementaire par le Schéma Directeur d’Aménagement Urbain (SDAU).

La démarche qui a été proposée et adoptée pour réaliser le SDAU s’appuyait, notamment, sur trois approches :

– L’intégration dans la méthodologie d’une démarche participative en ouvrant un large espace de concertation et de construction partagée, favorisant une approche croisée. Ceci, en amont de l’étude et tout au long du déroulement du processus de l’élaboration. Ce processus était ponctué par des étapes d’arbitrage et de validation. Les services techniques extérieurs à l’AUC étaient associés à des ateliers thématiques, les élus et les associations représentatives étaient également associés, en plus, à des ateliers territoriaux dont l’approche était plus transversale et intégrée.

– Le transfert des bonnes pratiques et du savoir-faire par la mise en place d’une équipe composée des cadres de l’AUC placée en miroir de l’équipe des spécialistes de l’IAURIF. Chaque expert thématique travaillait en étroite collaboration avec son homologue de l’AUC dans l’élaboration des documents, les enquêtes et entretiens ainsi que dans les visites du terrain.

– Le traitement immédiat des grands projets d’investissement par une approche pragmatique en engageant un dialogue avec les promoteurs de ces projets afin de les adapter à la vision stratégique d’aménagement en cours d’élaboration tout en maintenant l’intérêt et la fiabilité économiques de ces investissements.

Concernant les partenaires marocains, en plus de l’AUC avec laquelle une convention de coopération est signée depuis 2004, nous avons fait appel à une large contribution des experts locaux dans le cadre des ateliers thématiques et territoriaux, et par des entretiens et des enquêtes spécifiques.

AM : À partir de quels constats avez-vous démarré ?

V.S. 

Casablanca était depuis le début du XXe siècle, et demeure encore aujourd’hui, victime de son succès et de son attractivité économique et culturelle. La dernière longue période de sécheresse a également aggravé le poids de l’exode rural. Face à des besoins toujours grandissant d’une offre urbaine adaptée aux besoins et aux moyens des nouveaux arrivants, les pouvoirs publics, malgré les efforts déployés, ont été dépassés par l’ampleur de ce phénomène. Le découpage de l’agglomération de Casablanca en plusieurs communes, avant la loi sur la réunification de la ville, a contribué notablement à la dégradation de la gestion et du développement des services urbains publics (assainissement, déchets, transport, équipements, espace public… etc.) et au retard constaté dans la mise à niveau de ses services.

Sont apparues des tendances préoccupantes : persistance de poches de bidonvilles, même dans les quartiers centraux, dégradation du tissu urbain patrimonial ancien, processus de développement urbain par des opérations de lotissements successives sans une vision d’ensemble indispensable pour assurer une urbanité et organiser des centralités nouvelles, notamment, dans les quartiers périphériques  

Aujourd’hui, dans un contexte de mondialisation et de concurrence internationale pour attirer les investissements et occuper une place prépondérante sur l’échiquier des grandes métropoles, Casablanca, locomotive du Royaume, devrait relever deux grands défis : le rattrapage du retard cumulé et la dotation en équipements métropolitains afin d’améliorer  son image et son attractivité internationale d’une part, et d’autre part, répondre aux besoins de ses habitants en termes d’offre de logements dignes, d’emplois, d’équipements de proximité, de mobilité adaptée et d’un cadre de vie à la hauteur des grandes villes développées.

Le schéma directeur approuvé en 1985 avait atteint en 2004 ses limites, l’étalement urbain «en tache d’huile» dans les zones préservées n’étant pas maîtrisé, pendant qu’une partie des urbanisations prévues à Zenata sous forme d’une véritable «ville nouvelle» dans le prolongement Est de l’agglomération ne trouvait pas de réel début de réalisation. De plus, en l’absence de maîtrise du foncier, les plans d’aménagement ne pouvaient garantir la préservation des emplacements nécessaires à la réalisation des équipements publics, qu’il s’agisse d’équipements de proximité ou des infrastructures nécessaires au bon fonctionnement des quartiers.

De ce fait, le marché immobilier a créé des disparités importantes entre centre et périphérie, et entre quartiers, dans un contexte de très forte pression urbaine ouvrant la voie à un système de fonctionnement dérogatoire sans visibilité d’ensemble. De nombreux programmes dits «d’investissement» concernant chacun un nombre significatif de logements réputés «sociaux» ont ainsi vu le jour en frange de la zone agglomérée, sans équipement d’infra ou de superstructure.

Les autorités et les pouvoirs publics, conscients de l’importance des besoins et de l’urgence à mettre un cadre cohérent pour assurer une gestion et un développement urbains adaptés ont lancé plusieurs démarches prospectives, mais sectorielles. La Région s’apprêtait à lancer son plan de développement stratégique, le Centre d’Investissement Régional (CRI) élaborait sa vision pour le développement économique, celui du Tourisme (CRT), sa vision pour Casablanca à l’horizon 2020, mais uniquement sur le volet du développement touristique, la Wilaya et la Ville, un plan de déplacement urbain… etc. Dans ce contexte, l’AUC souhaitait également posséder des documents réglementaires de gestion urbaine afin de pouvoir maîtriser le développement et la gestion des autorisations de construire.

A partir de ce constat, la méthodologie qui a été adoptée pour démarrer le chantier du SDAU a réuni toutes ces démarches sectorielles en synergie dans une approche fédératrice, globale, transversale et intégrée pour définir une vision de développement stratégique et durable partagée par tous les acteurs et partenaires. Dans cette approche, chaque secteur a retrouvé son intérêt propre dans une vision cohérente et respectueuse des équilibres nécessaires pour un développement soutenable.

A.M : Quelles sont les spécificités de Casablanca ?

V.S. 

Depuis le lancement du développement de la ville il y a un siècle, autour de sa vieille médina et de son port, Casablanca représente le symbole de l’ouverture du Maroc sur le monde. Elle incarne la modernité et constitue un laboratoire de l’évolution urbaine et de l’audace architecturale.

Porte d’entrée et façade du Maroc, Casablanca est une ville très dynamique qui possède un patrimoine bâti d’une richesse et d’une variété très importantes. Elle représente un musée à ciel ouvert, constitué à partir de la médina et son tissu traditionnel, en passant par les villas somptueuses de la colline d’Anfa, elle est ponctuée par des monuments et des sites emblématiques, tels la Grande Mosquée Hassan II, le site du Marabout Sidi Abderrahman, les quartiers Art déco avec le parc de la Ligue Arabe et la place administrative entourée par des bâtiments de grande valeur et qualité architecturale, tels que la Wilaya, le Tribunal, la Banque du Maroc ou la Poste. D’autres entités architecturales sont spécifiques à Casablanca, comme le quartier Habous avec son architecture et ses silhouettes traditionnelles ou les quartiers du Maarif avec le Twin Center, symbole de modernité et de puissance.

L’ambition de Casablanca d’être une ville internationale est inscrite dans ses gênes et traduite dans toutes les démarches de planification depuis le premier plan de Prost qui projette la destinée de la capitale économique du Royaume en passant par celui d’Ecochard avec sa vision humaniste et son souci de l’équité sociale. Il apporte la première réponse face à la crise du logement par l’invention d’une cellule-type et de sa fameuse trame afin de produire « du logement pour le grand nombre ». Le SDAU de 1984 restructure la ville et son périphérique et enfin celui de 2010 projette les bases d’une métropole durable. 

A.M : Quelles sont les grandes orientations du nouveau SDAU ?

V.S. 

Le nouveau SDAU du Grand Casablanca modifie fortement l’orientation du développement urbain qui avait présidé jusqu’ici, à travers sept orientations stratégiques :

– l’organisation de l’armature urbaine régionale par un système polycentrique de pôles périphériques renforcés autour de la capitale économique en assurant la mobilité par un réseau maillé, notamment en transports en commun ; 

– l’ouverture de nouvelles zones urbanisables dans les pôles périphériques. Le report de la croissance urbaine vers les pôles périphériques permettra parallèlement de mettre à niveau la ville de Casablanca ;

– le remplacement progressif de l’activité industrielle polluante de Casablanca par des activités non nuisantes. Les industries lourdes iront notamment dans les nouveaux parcs du pôle industrialo-portuaire de Mohammedia et l’axe de développement industriel Mohammedia-Nouaceur ;

– le renforcement des fonctions tertiaires notamment sur l’axe vers l’aéroport et grâce à l’opération d’Anfa, tout en préservant le cœur tertiaire historique et la création de nouvelles centralités, notamment à Zenata ;

– la mise en place d’une politique sociale de rééquilibrage à l’Est par la restructuration de l’habitat, la requalification de la façade maritime et le renouvellement du tissu d’activités et de l’environnement ;

– la mise en place d’un réseau de transport urbain de masse constitué notamment d’un RER par dédoublement de la voie ferrée actuelle, et d’un réseau de tramways. Avec l’arrivée du TGV à Casablanca, la métropole bénéficiera d’un réseau très performant à vocation internationale, nationale, interrégionale, régionale et urbaine ;

– la définition d’une trame régionale d’espaces verts et ouverts non urbanisables.

A.M : Quels sont les grands axes de développement que vous préconisez ?

V.S. 

Les axes de développement sont préconisés par l’ensemble des acteurs, car ils ont partagé la même vision à travers la démarche et le processus d’élaboration précités.

Sur la base des hypothèses de croissance, trois scénarios de développement ont été soumis au débat. 

Le premier, cap à l’Est, se fonde sur une option industrielle. Il prévoit un développement urbain linéaire, le long du littoral, en particulier en direction de l’Est. Cette option permet de minimiser les coûts des grandes infrastructures, et de confirmer le positionnement industriel de Casablanca (création d’un vaste complexe industrialo-portuaire dans le cadre de la réalisation de la ville nouvelle de Zénata).

Le deuxième scénario, cap à l’Ouest, privilégie un développement urbain marqué vers l’Ouest et le Sud-Ouest, appuyé sur la dynamique économique, en particulier tertiaire et technopolitaine. Le grand projet prévu sur le site de l’ancien aérodrome d’Anfa pourrait être le fer de lance de ce développement. La réalisation de grands équipements structurants et des infrastructures de transports renforceraient cette option.

Le troisième scénario, cap vers les pôles extérieurs, propose de développer les pôles périphériques. C’est un scénario de l’équilibre : entre les fonctions économiques industrielle et tertiaire, entre les territoires qui peuvent tous avoir des chances de se développer et dans la répartition des différentes fonctions. Ce schéma polycentrique exigeant en infrastructures nouvelles, et exigeant une réalisation plus rapide des grands équipements nécessaires au «décollage» des pôles périphériques, impose une politique volontariste des pouvoirs publics.

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Le choix des grands axes de développement, à l’origine du plan de développement stratégique et du nouveau SDAU, ont été définis après des arbitrages, au plus haut niveau, des options, des hypothèses et des scénarios présentés. 

Le choix s’est porté sur la synthèse de trois scénarios. À court et moyen terme, le développement industriel va continuer à se déployer ; à moyen et long terme, ce sera plutôt le développement tertiaire et des services qui prendra le relais. Enfin, pour permettre à Casablanca d’opérer une mise à niveau globale et limiter son expansion en tache d’huile, le choix de renforcer les pôles périphériques a été adopté. L’aménagement territorial sera ainsi équilibré par une structure polycentrique.

A.M : Pensez vous que le nouveau SDAU réponde au défi d’une métropolisation rapide de Casablanca? (exode rural, mobilité urbaine, logements, inégalités sociales…)

V.S. 

L’objectif premier de la démarche de planification stratégique opéré pour Casablanca par le SDAU consistait à relever le défi de la métropolisation. La condition sine qua non pour la réussite de la stratégie préconisée exige le déploiement simultané du projet métropolitain de Casablanca sur les trois axes du développement durable (économique, social et environnemental).

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Cette stratégie s’appuie, en amont, sur une vision globale de ce qui est souhaitable pour le Grand Casablanca à l’horizon 2030 en s’inscrivant dans les orientations fixées pour l’ensemble du Royaume. Elle se concrétise, en aval, par un plan d’actions immédiates s’inscrivant dans une charte de développement dont la publication du nouveau SDAU est une des composantes essentielles. La stratégie de mise en œuvre passerait par des mesures de divers ordres, légales, fiscales, de formation, le tout prenant appui sur un effort d’équipement et de cohérence de l’aménagement de la métropole.

La stratégie économique consiste à être en première ligne sur les objectifs nationaux ; faire valoir les atouts de Casablanca; améliorer l’offre urbaine (qualité du réseau routier et des transports, des formations, des zones et des services logistiques etc.) ; améliorer l’offre touristique (grands équipements culturels et de loisirs, patrimoine bâti et littoral mis en valeur, terminal croisières, offre de shopping, information et marketing) ; corriger les faiblesses, notamment la disponibilité du foncier, la performance de l’administration, le cadre de vie (congestion, pollution), l’environnement social (résorption des bidonvilles, élévation du niveau d’éducation, etc).

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La stratégie sociale doit apporter des réponses aux problèmes de qualité du cadre de vie, des inégalités sociales ainsi qu’à la condition des femmes au regard du travail et de l’éducation. Les objectifs sont : lutter contre  le chômage et l’analphabétisme; généraliser l’enseignement primaire et élémentaire, améliorer substantiellement l’offre d’équipements scolaires ; tripler les effectifs de l’enseignement supérieur et professionnel ; résorber l’habitat sommaire et en bidonville; produire 800 000 logements en 25 ans ; assurer les services urbains ; permettre une mobilité accrue des personnes par le développement des transports collectifs ; assurer l’accès aux soins de santé, aux loisirs, aux sports et à la culture pour tous.

Les objectifs de la stratégie environnementale consistent  à réduire la pollution de l’air par des règlements applicables à l’industrie, un contrôle du parc automobile, et le développement des transports collectifs ; prévenir les risques sanitaires et réduire la pollution des sols, des nappes phréatiques, des milieux marins et des plages par le traitement préalable des eaux usées domestiques et industrielles et un traitement plus efficient des déchets ; pallier les risques naturels et industriels par des mesures relevant de l’urbanisme et par la réglementation des risques industriels ; démultiplier les espaces verts à disposition des habitants et préserver les milieux naturels, notamment la forêt, le littoral, les oueds, dans le cadre d’un projet global de la trame verte régionale.

La combinaison des trois amène à faire progresser la qualité urbaine dans son ensemble.

A.M : Quel regard portez-vous sur le plan «Ville sans bidonville» (création de cités dortoirs, villes nouvelles…) ?

V.S. 

Cette question mérite sûrement un long développement, car le sujet est difficile et délicat. La politique de « villes sans bidonvilles » est plus que nécessaire et elle est audacieuse.

Nous entendons ici et là plusieurs commentaires sur l’application de cette politique ainsi que sur la création des villes nouvelles. Bien évidemment, dans chaque démarche, il risque d’y avoir des points négatifs et des points positifs. Faire le bilan aujourd’hui est un peu prématuré, car nous n’avons pas le recul temporel nécessaire pour effectuer une évaluation objective.

Cependant, comme vous le savez, souvent les bidonvilles s’installent à proximité immédiate des bassins d’emplois. Ceci implique de privilégier le relogement sur place ou à distance raisonnable et de doter ces localités nouvelles de transports en commun dont le coût soit en adéquation avec le pouvoir d’achat modeste des habitants.

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Par ailleurs, dans toute démarche d’aménagement, il ne faut pas perdre de vue les fondamentaux de l’urbanisme : la question de l’urbanité et de la centralité face à des cités dortoirs composées de lotissements juxtaposés, l’approche intégrée, notamment, en termes de mixité sociale et fonctionnelle (emploi, équipements, commerces, loisirs, mobilité, etc.), la vision d’ensemble à une échelle plus large, en terme d’armature urbaine hiérarchisée, fonctionnelle et maillée, notamment, par les transports en commun. Il faudrait aussi préparer, en amont de la démarche, la mise en place des outils et des structures d’une gouvernance adaptée à des villes nouvelles ou de sites dits de «recasement».

Enfin, il serait nécessaire que les établissements publics en charge de ces grandes opérations d’aménagement et de développement agissent en garantissant l’intérêt public et non pas au même niveau que les promoteurs privés. Autrement dit, les investissements de ces établissements seront à amortir sur le long terme et leur offre urbaine devrait être adaptée aux besoins et aux moyens du plus grand nombre en adéquation et en application des politiques publiques en la matière.

A.M : Sur le plan du marketing des villes, comment Casablanca peut elle se démarquer? Comment renforcer les attraits de la ville ?

V.S. 

La capitale économique du Royaume est déjà démarquée par sa renommée économique, culturelle et sa réputation cosmopolite comme foyer du modernisme et de l’ouverture au monde. Siège des grandes entreprises et établissements financiers du pays, place forte des services délocalisés pour les entreprises (offshoring), elle peut s’acheminer vers une métropolisation rapide grâce au développement de ses atouts : tourisme d’affaires, de santé et de shopping avec Morocco Mall, le plus récent complexe commercial d’Afrique, le grand théâtre en cours de réalisation et le palais de congrès projeté dans le programme de la Marina, etc.

La mise en service du tramway et par la même occasion la mise en valeur des bâtiments du tissu urbain colonial contribuent à la valorisation de son riche patrimoine architectural, à l’amélioration notable de l’espace public, du mobilier urbain, de la mobilité et au développement durable par l’exploitation de transport de masse non polluant.

Le renforcement des attraits de la ville passe donc, en premier lieu par la valorisation de ses atouts (littoral, équipements majeurs, patrimoine) et la mise à niveau en termes d’offre urbaine et métropolitaine de qualité, mais aussi par la création de l’évènementiel culturel, économique et scientifique. Des projets d’envergure internationale tels que le grand projet d’aménagement sur le site de l’ancien aérodrome d’Anfa ou celui de Zenata contribueront d’une façon remarquable à ces deux aspects et également à l’amélioration de son image.

A.M : Face aux défis du développement durable, qu’apporte le SDAU? (espaces verts, pollution, inondations, tsunami…)

V.S. 

On identifie souvent le développement durable à des problématiques purement environnementales. En réalité, il résulte de la vision intégrée du développement  basée sur le croisement des trois volets du développement durable, à savoir l’économique, le social et l’environnemental. En plus, il faut ajouter le volet processus d‘élaboration et de mise en œuvre dans une démarche participative comme quatrième dimension transversale aux trois aspects thématiques.

Concernant votre question qui aborde plus particulièrement le volet environnemental du développement durable, les orientations et les préconisations du SDAU, comme nous l’avons développé plus haut, se sont fondées en premier lieu sur une toile de fond intangible qui est la trame des espaces verts et ouvert à l’échelle régionale. Cette trame est composée principalement des éléments suivants: parcs urbains, forêts, lits des oueds, espaces naturels côtiers (plages, dunes, rochers), zones inondables, meilleures terres agricoles, gisements de matériaux, ainsi que les coupures et coulées vertes, tampons entre zones industrielles et résidentielles. Par ses composantes et par sa conception, cette trame incontournable intègre toutes les mesures de prévention des risques naturels et technologiques majeurs et tient compte des éventuelles conséquences du changement climatique. Elle assure par ses coulées et sa ceinture vertes des continuités écologiques indispensables pour assurer la vie de la biodiversité de la faune et de la flore ainsi que l’équilibre entre les espaces bâtis et les espaces naturels.

Enfin, la stratégie environnementale développée plus haut décrit les mesures que le SDAU apporte en matière de lutte contre les différentes formes de pollution, de problématique des déchets et de préservation des milieux naturels.

A.M : Quelles sont selon vous les principales mesures à prendre pour faire de Casablanca une ville où la qualité de vie serait un modèle ?

V.S. 

Le processus de mise à niveau de Casablanca est un travail de longue haleine… La ville souffre, comme nous l’avons signalé plus haut, de sa croissance démographique et de ses activités économiques sans pouvoir répondre aux besoins grandissants de ses habitants et encore moins rattraper le retard cumulé en terme de standard international de qualité de vie des grandes métropoles mondiales.

L’offre suffisante et variée de logements et la résorption des poches de bidonvilles, la réduction des différentes formes de pollution, l’amélioration des services urbains, l’organisation de la circulation et des transports publics, le développement humain par la réalisation des équipements publics de proximité, notamment les espaces verts, la préservation du patrimoine urbain et naturel, la protection et la mise en valeur du littoral et de la façade maritime sont autant de mesures à prendre en urgence.

Pour relever ces défis, des moyens globaux sont nécessaires: les investissements publics (mieux planifier, mieux programmer), l’action foncière (acquisition de terrains publics et lutte contre la spéculation foncière), l’ingénierie publique (notamment dans les transports, le développement urbain et l’observation urbaine), l’efficience administrative (délais de réponse aux usagers), et la réglementation (notamment sur le foncier, l’environnement et le patrimoine).

Enfin, il faut mener des actions de sensibilisation auprès de la population sur les problématiques de la pollution, de la propreté et plus généralement sur les principes du développement durable.

Propos recueillis par Selma Zerhouni