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Le 2ème Forum international des villes antiques – La médina de Tunis

Sauvegarde de la médina de Tunis

Faika Béjaoui Architecte et directeur adjoint, chargée de la réhabilitation à la Mairie de Tunis.

Faika Béjaoui
Architecte et directeur adjoint, chargée de la réhabilitation à la Mairie de Tunis.

Les acteurs institutionnels, les collectivités locales et les associations du pourtour de la Méditerranée se sont retrouvés au Forum des villes antiques à Tétouan. Les débats de ces trois jours ont mis en lumière des expériences diverses portant sur les solutions de réhabilitation des tissus urbains anciens. Nous mettons l’accent sur la Tunisie, car son approche est originale et transposable au Maroc.

L’ASM a été représentée par Faika Béjaoui, architecte et directeur adjoint, chargée de la réhabilitation et du permis de construire dans la médina de Tunis. Cette association de sauvegarde de la Medina de Tunis, est une ONG dont le statut hybride permet de bénéficier de l’expertise d’architectes, urbanistes, sociologues, économistes, tout en autorisant l’exercice du bureau d’étude et assurer une rentabilité. La ville consulte systématiquement l’ASM pour le permis de construire dans la médina de Tunis et étaye ainsi sa responsabilité administrative par un argumentaire professionnel. On peut dire que ce partenariat public privé est idéal.

En effet, d’un côté le bureau d’étude chargé de la réhabilitation de la médina à l’échelle urbaine et du bâtiment produit des documents et des études dont la ville bénéficie, de l’autre son impact est grand car lié à l’autorisation de construire dans la médina de Tunis. Comment les Tunisiens ont-ils réussi cette alliance ?

Depuis sa création en 1967, l’ASM est présidée par le maire de Tunis qui lui consent une subvention. Mais en tant qu’entreprise, elle prend en charge son personnel et vend son expertise de BET. De nombreux échanges dans le monde arabe, notamment en Syrie, l’ont rendue célèbre. A quatre reprises, l’association a été reconnue par le fameux Prix Aga Khan, dont celui de l’année dernière pour le projet d’embellissement de l’axe principal de la médina. Cette association entretient des relations proches avec le gouvernement et bénéficie de subventions internationales, tout en assurant son autonomie financière. C’est pourquoi elle va bientôt fêter ses 50 ans. Depuis juin 1979,  l’ASM a un rôle de prospection et fournit des diagnostics sur des quartiers à risque de la médina. Elle a été chargée de la restauration du quartier Hafsia (années 30) et du projet de dédensification de l’habitat insalubre à Ouakala. Le montage délicat devait résoudre une double problématique : protéger le patrimoine historique et trouver des solutions pour des habitants à faible revenu. Entre la pierre et l’homme, il fallait décider s’il fallait reloger des gens à l’extérieur de la ville, exproprier certains, rentabiliser le bien immobilier pour le propriétaire… Pour la deuxième tranche de cette opération, la solution adoptée a été de maintenir la famille qui désire rester en médina moyennant un loyer payé aux propriétaires, lesquels s’engagent à réhabiliter leurs biens. Les familles qui optent pour le départ sont soutenues par l’Etat pour devenir propriétaires ailleurs. Résultat : toutes les maisons ont été réhabilitées moyennant 1 000 crédits octroyés aux propriétaires. Si ces derniers ne se manifestent pas, c’est la municipalité qui se substitue à eux et qui récupère les loyers.

Assistance technique, crédit pour les propriétaires, suivi des travaux, ont été assurés par l’ASM. Malgré les freins liés au foncier, aux problèmes d’héritage, à la loi sur le patrimoine de 1994, le plan de sauvegarde a été mené à bien. En effet, les textes d’application des lois doivent prendre en compte un règlement spécifique à la médina, ses hauteurs, sa typologie, ses patios, sa gamme de couleurs traditionnelle, pour imposer une réhabilitation dans les règles de l’art. Grâce aux publications de cette ONG et BET et à son centre de documentation ouvert aux chercheurs, bien des erreurs ont été évitées. Et si les touristes sont attirés par les cartes produites par l’ASM, ils peuvent désormais visiter la médina en choisissant le logement chez l’habitant où ils peuvent séjourner. L’expérience consistant à encourager l’hôtellerie privée de charme, utilisant les produits de l’artisanat a donné lieu à un événement qui se prolonge sur quatre jours : le Dream city. Les activités culturelles, l’art contemporain, l’animation des soirées de Ramadan, l’éclat des anciennes maisons, tout cela concourt à la nouvelle dynamique de préservation patrimoniale que le tourisme urbain impose de nos jours.

S.Z